Formation professionnelle dans la recherche et la pratique
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La formation professionnelle suisse sous la loupe

Bilan après 20 ans de loi sur la formation professionnelle

En 2004, la nouvelle loi sur la formation professionnelle (LFPr) a été introduite en Suisse. Cette nouvelle base légale a permis de rendre la formation professionnelle apte à répondre aux exigences du 21e siècle. Mais il y a aussi des défis à relever. En voici trois exemples : le taux de jeunes immigrés titulaires d’un diplôme post-obligatoire est encore trop bas. Il faut également discuter de la manière de promouvoir le diplôme professionnel pour les adultes. Enfin, le financement est un sujet de préoccupation : compte tenu du fait que la Confédération définit les principaux piliers de la formation professionnelle, cette part est trop faible. Selon le principe de l’équivalence fiscale, la part de la Confédération devrait être plus élevée.


Principaux traits du système de formation professionnelle mis en place en 2004

Au niveau international, la Suisse est considérée comme un modèle en matière de formation professionnelle. Le système suisse repose sur une combinaison d’enseignement scolaire et de formation en entreprise. La structure duale permet aux apprenties et apprentis d’acquérir des connaissances théoriques à l’école et de les mettre directement en pratique sur leur lieu de travail. Cet accent mis sur la proximité avec la pratique et sur les compétences spécifiques à la profession rend la formation professionnelle particulièrement perfor­mante. Bien diversifiée, l’offre en la matière englobe différents secteurs et branches, et comprend près de 250 métiers, ce qui permet de répondre aux intérêts individuels comme aux besoins du marché du travail. Le système de formation professionnelle fixe des normes de qualité élevées, qui sont garanties au travers de la reconnaissance étatique et de la tenue d’examens finaux.

Source : Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), qui est le centre de compétences de la Confédération pour les questions relevant de la politique de formation. Télécharger le graphique ici

La formation professionnelle en Suisse comporte trois niveaux :

  • l’apprentissage (attestation fédérale de formation professionnelle [AFP], en 2 ans / certificat fédéral de capacité [CFC], en 3 ou 4 ans) : l’apprentissage constitue la base de la formation professionnelle en Suisse. S’étendant sur deux, trois ou quatre ans, il permet d’acquérir des connaissances et des compétences, sur les plans théorique comme pratique, dans une profession donnée.
  • la maturité professionnelle (MP) : elle approfondit la formation reçue dans le cadre de l’apprentissage et s’effectue soit en parallèle de celui-ci (modèle MP1), soit après (modèle MP2). Le volume de formation correspond approximativement à un an d’école. Ce diplôme de maturité permet d’accéder aux offres subséquentes proposées par les hautes écoles spécialisées (HES). Il est aussi possible pour les titulaires d’une maturité professionnelle de suivre une passerelle supplémentaire permettant d’entamer des études universitaires.
  • la formation professionnelle supérieure (FPS) : elle comprend une large offre de formations initiales et continues du degré tertiaire, qui requièrent d’avoir accompli un apprentissage de trois ou quatre ans mais sont accessibles même sans avoir obtenu de maturité professionnelle. La FPS vise à proposer des formations initiales et continues axées sur la pratique et permet aux personnes déjà actives d’ac­quérir des qualifications supplémentaires.

L’introduction de la nouvelle loi sur la formation professionnelle (LFPr) a constitué une étape importante dans la modernisation et la flexibilisation du système de formation professionnelle.

L’introduction de la nouvelle loi sur la formation professionnelle (LFPr) a constitué une étape importante dans la modernisation et la flexibilisation du système de formation professionnelle. La LFPr a été mise en œuvre en 2004 pour permettre au système de formation professionnelle de s’adapter aux nouvelles condi­tions, et notamment aux progrès de la technologie et à l’évolution des exigences du monde du travail. Ainsi, à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, toutes les ordonnances sur la formation ont été révisées et le contenu des formations mis à jour, pour adopter en particulier une orientation vers les compétences opérationnelles.

Par ailleurs, tous les domaines de la formation professionnelle ont été intégrés, et notamment ceux de la santé, du social et des arts, placés jusqu’alors sous la responsabilité des cantons, tout comme les métiers de l’agriculture et de la sylviculture. La révision de la loi a aussi ouvert la voie à des possibilités de formation professionnelle nouvelles et différenciées. Cela s’est traduit concrètement par l’introduction de l’apprentis­sage en deux ans, sanctionné par une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP), pour rempla­cer la formation élémentaire proposée jusque-là ; possibilité était ainsi donnée, après obtention d’une AFP, d’accomplir deux ans supplémentaires pour passer un examen ordinaire de fin d’apprentissage sanctionné par un certificat fédéral de capacité (CFC). Enfin, la nouvelle loi a permis de remplacer un subventionne­ment axé sur les dépenses, dans lequel les cantons étaient indemnisés par la Confédération pour leurs dé­penses, par un système de financement axé sur les prestations. Ce nouveau système implique le verse­ment de contributions forfaitaires aux cantons. La part de la Confédération aux coûts publics de la formation professionnelle est passée progressivement d’un cinquième à un quart.

Le pilotage de la formation professionnelle en Suisse s’effectue dans le cadre de ce que l’on appelle le « partenariat de la formation professionnelle », qui réunit et fait interagir Confédération, cantons et organi­sations du monde du travail (OrTra), ces dernières étant les représentantes des milieux économiques. La Confédération y est responsable des bases légales, les OrTra des contenus de la formation professionnelle et les cantons de la mise en œuvre, notamment au niveau des écoles professionnelles. Le pilotage central est assuré au niveau national par la Confédération et tient compte du fait que la formation professionnelle doit former des jeunes capables d’être mobiles sur l’ensemble du marché du travail en Suisse, mais aussi à l’étranger. La mise en œuvre cantonale veille à une bonne adaptation au marché du travail à l’échelon ré­gional et assure les interactions avec l’enseignement obligatoire, organisé au niveau cantonal, ainsi qu’avec les gymnases.

Le terme « OrTra » désigne, au sein du partenariat de la formation professionnelle, les organismes respon­sables des différentes formations professionnelles initiales ; il peut s’agir d’associations professionnelles, d’organisations sectorielles, de partenaires sociaux de même que d’autres organisations et prestataires actifs dans la formation professionnelle. Des syndicats peuvent également jouer le rôle d’OrTra. Celles-ci participent ainsi à l’élaboration des ordonnances sur la formation. Elles organisent aussi des cours pour les formateurs et formatrices, afin d’assurer l’encadrement des personnes se formant dans les entreprises, et participent de ce fait à l’assurance qualité de la formation professionnelle. L’accompagnement dans l’entre­prise par des formateurs et formatrices ainsi que par d’autres collaborateurs et collaboratrices constitue l’un des facteurs essentiels à un niveau de qualité élevé dans la formation professionnelle.

En Allemagne, la formation duale se décline généralement à parts égales entre une formation accomplie en entreprise et des cours suivis en école professionnelle. […] En Suisse, la formation profession­nelle initiale est plus orientée sur la formation en entreprise

En Allemagne, la formation duale se décline généralement à parts égales entre une formation accomplie en entreprise et des cours suivis en école professionnelle. Les apprenties et apprentis passent environ la moi­tié de leur temps dans l’entreprise, et l’autre à l’école professionnelle. En Suisse, la formation profession­nelle initiale est plus orientée sur la formation en entreprise ; les apprenties et apprentis y passent plus de temps, tandis que l’école professionnelle joue plutôt un rôle de soutien, avec une fréquentation d’un voire deux jours par semaine au maximum.

Interactions entre les trois lieux de formation

Le système dual de formation professionnelle se distingue par une très bonne imbrication des trois princi­paux lieux de formation, à savoir l’entreprise, l’école professionnelle et les cours interentreprises (CIE). Étroitement liés, ils constituent le fondement sur lequel repose la formation axée sur la pratique qui s’ac­quiert pendant un apprentissage. L’entreprise est le lieu premier de la formation pratique. C’est là que les apprenties et apprentis ont la possibilité d’appliquer directement les connaissances acquises à l’école pro­fessionnelle et de les approfondir dans le monde réel du travail.

L’école professionnelle complète cette formation pratique par la transmission de connaissances théoriques spécifiques. Les apprenties et apprentis y acquièrent un solide bagage théorique qui leur permet d’appro­fondir les expériences pratiques faites dans l’entreprise. Outre la transmission des connaissances profes­sionnelles, l’enseignement de la culture générale forme aussi un apport important de l’école professionnel­le. La collaboration étroite entre l’entreprise et l’école professionnelle garantit une formation harmonieuse des deux côtés et un processus d’apprentissage complet et équilibré.

Les cours interentreprises (CIE) forment une autre composante importante du système dual. Ils offrent une plateforme supplémentaire aux apprenties et apprentis qui y reçoivent des enseignements spécialisés et y effectuent des exercices pratiques ne pouvant pas être réalisés directement dans l’entreprise. Le but de ces cours est de promouvoir les compétences transversales, de permettre des échanges entre les apprenties et apprentis de différentes entreprises et de leur offrir une perspective plus large de la branche.

L’étroite imbrication de ces trois lieux de formation crée les conditions nécessaires à une formation profes­sionnelle de qualité et favorise la collaboration entre les entreprises, les écoles professionnelles et les asso­ciations faîtières. Cette collaboration garantit une formation adaptée aux exigences du marché du travail et offrant de nombreuses perspectives professionnelles.

Formation professionnelle ou formation générale ?

Il est aussi intéressant de noter que la tendance en faveur de la voie générale ne s’est pas poursuivie en 2022 et 2023.

En Suisse aussi, un débat soutenu a lieu sur la question des choix de formation au terme de la scolarité obligatoire. La formation professionnelle initiale reste l’option la plus souvent choisie. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), près de 65% des jeunes âgés de 25 à 29 ans avaient achevé une formation profes­sionnelle initiale en 2023. Quant aux voies de formation générale, elles avaient été suivies par environ 35% des jeunes, dont quelque 19% dans le cadre d’une maturité gymnasiale et approximativement 15% dans le cadre d’une maturité spécialisée. Ces dernières années, la répartition entre formation générale et formation professionnelle s’est modifiée. En 1990, les jeunes choisissant d’accomplir une formation professionnelle initiale représentaient encore plus de 70%, tandis qu’ils étaient moins de 30% à opter pour la formation générale. En dépit de cette évolution, la formation professionnelle en Suisse est toujours considérée comme équivalente à la formation générale. Il est aussi intéressant de noter que la tendance en faveur de la voie générale ne s’est pas poursuivie en 2022 et 2023. Les jeunes femmes en particulier se tournent à nouveau plus fréquemment vers la formation professionnelle, bien qu’elles misent dans l’ensemble davantage sur la formation générale que les jeunes hommes.

On observe cependant de grandes différences entre les régions linguistiques. En Suisse alémanique, la for­mation professionnelle occupe une place nettement plus importante qu’en Suisse romande et en Suisse italienne, où le système éducatif est influencé par les systèmes français et italien, qui valorisent plus la voie académique. La formation professionnelle n’y est parfois perçue que comme une option de second choix et n’est souvent choisie que lorsqu’une voie de formation générale n’entre pas en ligne de compte.

Effets positifs de la formation professionnelle

En Suisse, la formation professionnelle est bien acceptée par la société et soutenue par tous les acteurs politiques. Des études montrent que la formation professionnelle contribue à maintenir un taux de chômage très faible chez les jeunes et à lutter contre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. De plus, le système de la formation professionnelle s’est révélé résistant tout en étant capable d’évoluer, comme le montre essentiel­lement sa constante adaptation au marché du travail. La formation professionnelle apporte également une contribution importante à la cohésion de la société en créant des possibilités de formation multiples et en s’avérant efficiente dans l’intégration de différents groupes cibles.

La formation professionnelle exerce un impact positif considérable sur le plan éducatif, en particulier du point de vue du développement des jeunes et des perspectives qu’elle leur offre. En transmettant à la fois des connaissances théoriques et des compétences pratiques, la formation duale leur ouvre des débouchés multiples et contribue dans le même temps au renforcement de l’économie. Nombreux sont les jeunes à qui la formation professionnelle sert de tremplin dans la vie active. La proximité avec la pratique permet non seulement une identification précoce avec le domaine professionnel choisi, mais facilite aussi la transition vers le monde du travail.

Par comparaison avec la formation générale des voies gymnasiales, on constate néanmoins certaines diffé­rences d’ordre socio-économique. Les personnes connaissant une situation désavantageuse sur le plan socio-économique optent significativement plus souvent pour un apprentissage, et moins souvent pour une formation gymnasiale. Le gymnase est traditionnellement considéré comme une voie de formation supé­rieure, et l’on observe que, dans la société, le prestige associé à l’enseignement académique n’est pas le même que celui de la formation professionnelle. Cette différence peut conduire à des inégalités sociales. Pourtant, il convient de souligner que la formation professionnelle est une option tout aussi valable et res­pectée, qui encourage le développement d’aptitudes et de talents variés. Promouvoir l’image de la forma­tion professionnelle contribue à réduire ces différences de perception.

En 2016, la Confédération et les cantons ont formulé un objectif politique en matière de formation consis­tant à faire en sorte que 95% des jeunes de 25 ans possèdent un diplôme du secondaire II. Ce titre peut avoir été obtenu au terme d’un apprentissage, d’une filière gymnasiale ou d’un cursus en école de culture générale. En 2023, le taux de diplômées et diplômés du degré secondaire II s’élevait à 91%. Il a légèrement augmenté ces dernières années. En 1990, ce taux était encore inférieur à 85%.

Différences selon le sexe

En Suisse, on observe des différences selon le sexe dans le choix de la formation professionnelle, les filles choisissant dans l’ensemble moins souvent la voie de la formation professionnelle. D’après les chiffres de l’OFS, 68% des hommes et 63% des femmes ont terminé une formation professionnelle initiale en 2023. Le taux de diplômées et diplômés de la formation professionnelle initiale est donc légèrement plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Cette différence n’est pas très prononcée, mais si l’on se penche sur les différentes professions, les différences sont nettement plus marquées.

Les hommes et les femmes continuent de choisir des formations professionnelles initiales différentes. Si les hommes ont tendance à s’orienter vers des professions techniques, les femmes sont plutôt intéressées par les professions sociales ou artistiques. Ces différences ont quelque peu diminué ces dernières années, mais elles sont toujours notables.

Source : Top 10 des professions prisées, par sexe, gfs.bern, baromètre des transitions, août 2023, p. 21, Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’inno­vation (SEFRI)

Défis de la formation professionnelle en Suisse

La formation professionnelle est confrontée à de nombreux défis, que ce soit l’évolution de la société, les tendances observées à l’échelle mondiale ou encore les progrès technologiques. En 2016, le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) a lancé, en collaboration avec les partenaires de la formation professionnelle, un processus visant l’élaboration d’une stratégie à long terme pour la for­mation professionnelle. Ce processus a débouché un an plus tard sur l’initiative « Formation professionnelle 2030 », qui a ensuite fait émerger une vision pour la stratégie à long terme. Cette vision a permis de définir des mesures pour développer la formation professionnelle et de lancer des projets, par exemple pour l’opti­misation des processus et des mécanismes d’incitation dans la formation professionnelle. Il s’agit essentiel­lement d’affiner et d’optimiser différents aspects de la formation professionnelle, sans pour autant viser des réorientations fondamentales. Les défis qui se posent actuellement sont les suivants :

Qu’est-ce qui importe le plus, entre l’acquisition de la langue allemande – une compétence non négligeable dans une Suisse plurilingue – et l’approfon­dissement des connaissances spécifiques à un champ professionnel ?

  • Spécialisation ou généralisation : en tant qu’associations économiques et faîtières, les organisations du monde du travail (OrTra) sont responsables, au sein du partenariat de la formation professionnelle, des contenus des formations initiales. Or une tension se profile entre, d’une part, le marché du travail qui tend vers une spécialisation toujours plus grande, voire vers l’apparition de professions nouvelles, et de l’autre, un mandat de formation qui vise une formation initiale généraliste couvrant un large éventail de connaissances et de compétences. Il y a peu, une sixième profession, celle d’installatrice/installateur solaire CFC, a par exemple été introduite dans le champ professionnel « Enveloppe des édifices », alors que cette spécialité aurait pu être incluse dans la profession existante. Plus la mobilité sur le mar­ché du travail et les changements de professions (voire de secteurs) augmentent, plus il devient néces­saire de disposer d’une formation à large spectre, y compris dans le domaine de la formation profes­sionnelle.
  • Connaissances professionnelles ou culture générale : qu’est-ce qui importe le plus, entre l’acquisition de la langue allemande – une compétence non négligeable dans une Suisse plurilingue – et l’approfon­dissement des connaissances spécifiques à un champ professionnel ? Le débat sur l’équilibre à viser entre l’enseignement de la culture générale et celui des branches spécifiques à la profession n’est pas nouveau, mais il revient sur le devant de la scène depuis quelques années, notamment en raison de la tendance à l’académisation. La part consacrée à l’enseignement de la culture générale est nettement moins grande dans les écoles professionnelles que dans celles qui dispensent la formation générale, comme les gymnases. Étant donné que les employeurs sont responsables du contenu de la formation, l’accent est largement mis sur les connaissances professionnelles, ce qui n’est pas faux en soi mais complique le passage vers le degré tertiaire de la formation. Il s’agit donc de trouver de bonnes solu­tions, à même de répondre à cette double exigence. Une révision du plan d’études cadre pour l’en­seignement de la culture générale est en cours, et il est notamment question de renforcer la promotion des compétences linguistiques.
  • Contenu : dans la loi sur la formation professionnelle, la Suisse s’est donné un principe général, qui est de procéder tous les cinq ans à un examen des formations professionnelles pour vérifier si elles doi­vent être mises à jour. Malgré les bons instruments à disposition, cette tâche n’est pas toujours aisée : en effet, les attentes des entreprises sont élevées et la volonté de supprimer des contenus est faible, pour un nombre de leçons qui reste constant. À cela s’ajoutent de nouveaux thèmes s’inscrivant dans le contexte de la durabilité : les professionnelles et professionnels de demain doivent être sensibilisés aux défis écologiques, sociaux et économiques. Le programme « Formation professionnelle 2030 » mi­se à cet égard sur l’intégration dans les plans d’études de compétences touchant à la durabilité, afin de promouvoir une responsabilité intergénérationnelle en matière de développement durable.
  • Taux de réussite : le nombre de résiliations de contrats d’apprentissage a augmenté ces dernières an­nées pour atteindre une proportion de plus de 20% des contrats signés. Si près de 80% des personnes concernées retrouvent rapidement une nouvelle place, la tendance montre que les défis ne cessent de se multiplier. Les changements de société, les sollicitations psychiques et les situa­tions familiales difficiles peuvent compromettre la réussite d’une formation. L’objectif des 95% mentionné plus haut a certes été atteint parmi les Suisses et les Suissesses, mais le taux de réussite est nettement moins élevé parmi les jeunes immigrées et immigrés, même lorsque ceux-ci ont effectué leur scolarité obligatoire en Suisse. Cet état de fait n’est pas satisfaisant, du point de vue de l’immigra­tion, et nécessite que de nouvelles solutions soient élaborées.
  • Pénurie de main-d’œuvre qualifiée : avec l’aggravation de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée s’ac­croît l’intérêt des entreprises de former elles-mêmes la relève. Le marché des places d’apprentissage ne souffre plus, comme c’était le cas dans les années 1990, d’un manque de places mais plutôt d’un manque de personnes intéressées à entreprendre une formation. Ce constat ne se vérifie pas de la même manière dans toutes les professions, mais certaines d’entre elles ont de plus en plus de mal à pour­voir leurs places d’apprentissage et ne reçoivent parfois même plus de candidatures pour les places vacantes. Il incombe alors aux secteurs d’améliorer leur attrait et d’en faire la promotion. On peut citer à cet égard l’exemple de la restauration, qui a vu certains restaurants introduire la semaine de quatre jours pour le personnel de cuisine, sans réduction de la durée de travail hebdomadaire.
  • Certification professionnelle pour adultes : en Suisse, environ 500 000 personnes ne possèdent aucun diplôme professionnel. Bien qu’une grande partie de ces personnes exercent déjà une activité lucrative, des mesures de formation appropriées pourraient permettre l’insertion d’un plus grand nombre de per­sonnes sur le marché du travail et ouvriraient de nouvelles perspectives pour celles qui disposent de faibles qualifications professionnelles. Dans le contexte d’une série de mesures prises en 2019 par la Confédération en vue de renforcer l’encouragement du potentiel de la main-d’œuvre en Suisse, les par­tenaires de la formation professionnelle ont développé des activités devant permettre à plus d’adultes d’obtenir un diplôme professionnel. Si le nombre d’adultes obtenant un diplôme de la formation profes­sionnelle initiale a effectivement progressé de 40% entre 2014 et 2022, il reste toutefois à un faible ni­veau. D’ailleurs, dans 60% des cas, il s’agissait d’adultes obtenant une deuxième certification professionnelle. La réalité montre qu’il n’y a pas de mesure en particulier qui puisse à elle seule remé­dier à la situation ; on constate plutôt que c’est l’interaction de plusieurs facteurs qui détermine si une personne adulte choisit ou non de se lancer encore dans une formation professionnelle. L’un des obs­tacles majeurs provient par exemple des coûts indirects de la formation, à savoir que le salaire perçu pendant la formation peut être nettement plus faible. Réussir à mieux exploiter ce potentiel reste donc un défi majeur, notamment au regard de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui va s’accentuant.

Bilan après vingt ans d’application de la LFPr

La loi fédérale sur la formation professionnelle (LFPr), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, a permis une modernisation de l’ensemble de la formation professionnelle en Suisse, et le bilan que l’on peut dresser après 20 ans de mise en œuvre est majoritairement positif. Il est toutefois utile de se pencher sur les do­maines devant encore être développés.

Inclusion : à ce jour, on constate que l’ouverture de la formation professionnelle aux personnes en situ­ation de handicap ne s’est faite que dans une faible mesure.

  • Financement : la Confédération, les cantons et les milieux économiques se partagent le financement de la formation professionnelle. L’économie investit 5 milliards de francs environ par an. Des études mettent en évidence un retour sur investissement pour les employeurs et montrent que la formation leur apporte un bénéfice net. Les pouvoirs publics dépensent un peu plus de 3,5 milliards de francs par an pour la formation professionnelle. Les cantons, responsables de la mise en œuvre de ce domaine, en assument les trois quarts, la part prise en charge par la Confédération ne représentant qu’un quart des coûts. Force est de constater, si l’on considère que c’est la Confédération qui définit les éléments fondamentaux de la formation professionnelle, que cette part est trop faible. Le principe de l’équivalen­ce fiscale voudrait que la Confédération assume une part plus élevée.
  • Formation à plein temps : la formation professionnelle table en principe sur un taux d’activité de 100%, avec une semaine de 5 jours comptant au moins 40 heures. En Suisse, la plupart des employeurs connaissent la semaine de 42 heures. Ce modèle de base se heurte toutefois à certaines limites : d’une part, les jeunes ne souhaitent pas nécessairement tous faire un apprentissage à plein temps ; d’autre part, certains groupes cibles ne sont pas en mesure d’accomplir un apprentissage à plein temps. Il peut s’agir de (jeunes) parents ou encore de personnes qui doivent gagner de l’argent et ne peuvent dépendre d’un salaire de personne en formation. Si l’on veut que la formation professionnelle puisse aussi être accessible à ces groupes cibles, il s’avère nécessaire d’assouplir les directives tradi­tionnellement suivies par les écoles professionnelles et les employeurs, et d’autoriser la mise en place de nouveaux modèles d’organisation temporelle.
  • Inclusion : à ce jour, on constate que l’ouverture de la formation professionnelle aux personnes en situ­ation de handicap ne s’est faite que dans une faible mesure. Certes, l’ambition est élevée, mais les ef­forts doivent être poursuivis, notamment dans la perspective de l’objectif des 95%. Toutes les professions n’excluent pas d’emblée une inclusion réussie. Un projet est actuellement mené dans le cadre du programme « Formation professionnelle 2030 » pour identifier les parties de la formation pro­fessionnelle qui recèlent un potentiel susceptible d’accroître les possibilités d’inclusion.
  • Perméabilité : du point de vue helvétique, il est intéressant de suivre les développements en cours dans la formation professionnelle supérieure en Allemagne. La révision de la loi fédérale allemande ré­gissant la formation professionnelle (Berufsbildungsgesetz, BBiG), en 2020, a été l’occasion d’introdui­re le « Professional Bachelor » ainsi que « Professional Master ». Ces désignations de titres soulignent l’équivalence de la formation professionnelle et des études académiques, et favorisent également la mobilité à l’échelle internationale des personnes ayant obtenu ces qualifications professionnelles. Le « Professional Bachelor » correspond au niveau 6 du Cadre européen des certifications (CEC) et équi­vaut donc à un diplôme de bachelor délivré par une haute école. Quant au « Professional Master », il est attribué au niveau 7 du CEC et équivaut à un diplôme de master de haute école. La Suisse n’em­ploie pas pour le moment de désignations comparables, bien que des titres similaires existent dans la formation professionnelle supérieure. Le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innova­tion (SEFRI), qui a compétence en la matière, prépare cette année une révision de la loi fédérale sur la formation professionnelle et prévoit d’introduire les titres de « Professional Bachelor » et « Professional Master » en complément des diplômes octroyés dans la formation professionnelle supérieure. D’où l’in­térêt de suivre les développements en cours en Allemagne ou en Autriche.

De manière générale, on constate que la LFPr a permis, au cours des deux dernières décennies, d’apporter les adaptations nécessaires pour permettre à la formation professionnelle suisse de répondre aux exigen­ces du XXIe siècle. Le système suisse de formation professionnelle jouit d’une haute reconnaissance aux niveaux national et international, et est resté attrayant pour les jeunes. L’évolution démographique et les changements technologiques requièrent néanmoins un processus continu de développement, en particulier pour ce qui a trait à la numérisation et à la collaboration avec l’économie.

Pour obtenir de plus amples informations sur la formation professionnelle, il est possible de consulter le site suivant, qui donne un aperçu global du domaine : https://www.sbfi.admin.ch/sbfi/fr/home/formation/fpc.html

Références bibliographiques

Conçu en partie avec des moyens issus de l’intelligence artificielle, cet article a été élaboré à partir des sources suivantes.

Citation

Marbet, P. (2024). Bilan après 20 ans de loi sur la formation professionnelle. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 9(6).

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