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Étude de Travail.Suisse Formation TSF

Comment les conventions collectives de travail réglementent la formation continue

Travail.Suisse Formation TSF a analysé les réglementations en matière de formation continue contenues dans 21 conventions collectives de travail (CCT). Cette étude offre aux partenaires sociaux un aperçu des pratiques éprouvées dans différents secteurs d’activité et donne des impulsions pour de futures négociations portant sur les CCT. Le résumé ci-après contient une vue d’ensemble des instruments qui permettent de renforcer la formation continue dans les différentes branches. Elle présente aussi des mesures destinées aux personnes qui peuvent difficilement accéder à la formation continue.


Les congés de formation continue rémunérés, d’une durée d’un à cinq jours par an, sont un élément important dans les CCT. Le congé de formation continue peut être formulé sous forme de droit ou de recommandation.

Les conventions collectives de travail (CCT) des différents secteurs d’activité prévoient de multiples solutions pour promouvoir la formation continue. Les différences s’expliquent par divers facteurs. La composition de la main-d’œuvre joue un rôle clé : si une branche emploie plutôt des personnes peu qualifiées, la formation continue a pour objectif de transmettre les qualifications manquantes. Les défis auxquels une branche fait face ont également une grande importance. Certains secteurs d’activité sont confrontés au thème de la sécurité au travail, d’autres sont sous pression en raison de la transformation numérique ou de la pénurie de main-d’œuvre. D’autres secteurs d’activité ont besoin de solutions car, en raison de changements structurels, les compétences d’une partie des employés ne seront plus suffisantes à l’avenir. Les personnes concernées doivent donc acquérir de nouvelles compétences pour pouvoir assurer de nouvelles tâches ; cela passe par exemple par l’apprentissage de la langue parlée localement. Enfin, le lien que les partenaires sociaux entretiennent avec leur CCT a un rôle déterminant pour les réglementations. La CCT est-elle perçue comme un mal nécessaire ou comme un instrument essentiel pour le développement et la pérennité de la branche ?

Quelques instruments courants pour renforcer la formation continue

Les CCT qui disposent de règlementations sur la formation continue comportent souvent trois instruments.

Congé de formation continue : les congés de formation continue rémunérés, d’une durée d’un à cinq jours par an, sont un élément important dans les CCT. Généralement, on s’attend à ce que le congé soit négocié par l’entreprise et les employés. Le congé de formation continue peut être formulé sous forme de droit ou de recommandation. Il est généralement utilisé pour des formations internes et externes à l’entreprise, parfois pour des offres de formation des syndicats de Movendo et d’ARC. Dans quelques cas, les jours de congés non pris peuvent (en partie ou entièrement) être reportés à l’année suivante. Les jours peuvent aussi être pris en compte pour des formations continues plus longues. En général, on entend par formation rémunérée le fait que l’entreprise prenne en charge les coûts salariaux liés aux jours de congés de formation. Selon la CCT, ces coûts sont partiellement ou totalement pris en charge par le fonds de formation de la branche.

Les coûts liés à la formation continue sont le plus souvent répartis entre le fonds de formation, l’entreprise et les employés. Certaines CCT prennent les coûts réels comme base de calcul, tandis que d’autres prévoient des forfaits. Dans certaines branches, les personnes participantes font l’objet d’un traitement différent selon qu’elles ont des responsabilités familiales ou non. Parfois, les coûts ne sont pris en charge que proportionnellement ou les montants sont plafonnés. Les entreprises ou les employés sont alors dans l’obligation d’assumer les coûts.

Fonds de formation : de nombreuses CCT prévoient un fonds de formation ; celui-ci fait généralement partie d’un fonds paritaire qui finance différents aspects : principalement l’exécution de la CCT, mais aussi des formations initiales et continues.

Le fonds paritaire est généralement alimenté par les entreprises et les employés. Dans certains cas, les entreprises financent seules le fonds paritaire (exécution, formation). Dans d’autres cas, l’exécution est à la charge des employés, tandis que les entreprises prennent à leur charge la formation. Le montant de la participation de l’entreprise et des employés au fonds paritaire (exécution, formation) varie fortement. Certains employés ne doivent verser aucune cotisation pour le fonds paritaire, tandis que les coûts annuels peuvent atteindre CHF 360.– pour d’autres.

Malheureusement, il est difficile d’obtenir des informations concernant les dépenses des CCT dédiées aux formations continues.

Malheureusement, il est difficile d’obtenir des informations concernant les dépenses des CCT dédiées aux formations continues. Seules quelques branches communiquent publiquement les recettes et les dépenses. Cette situation est regrettable car elle entraîne un manque de transparence sur une partie importante de la formation continue en Suisse.

Autres instruments pour renforcer la formation continue dans les branches

En plus des trois instruments énumérés ci-dessus, il existe d’autres mesures pour promouvoir la formation continue dans les branches.

Dans différentes CCT, les entretiens individuels sont cités comme étant des moments au cours desquels la formation continue est planifiée. Dans le cadre de ces entretiens, le besoin de formation continue des employés est déterminé et les formations continues sont planifiées. On attend des supérieurs hiérarchiques et des employés qu’ils se préparent à cet entretien. Pour ce faire, des moyens d’analyse sont mis à leur disposition, surtout dans les grandes entreprises.

Différents secteurs d’activité prévoient que les employés – souvent des personnes sans diplôme du degré secondaire II (spécifique à une branche) – puissent obtenir un certificat de branche. Celui-ci doit renforcer la position de ces employés dans la branche et améliorer la qualité de leur travail. Le financement de ces formations fait l’objet d’une réglementation distincte et dépasse souvent le cadre du financement traditionnel de la formation continue. L’obtention du certificat peut déboucher sur des augmentations de salaire. Les certificats peuvent aussi être un moyen d’attirer des personnes issues d’autres secteurs professionnels.

La formation continue des employés sans diplôme du degré secondaire II s’effectue via des formations spécifiques, mais aussi via des formations qui ne comportent aucune condition d’admission, hormis peut-être des compétences linguistiques minimales.

Pour pouvoir participer à une formation continue, les personnes concernées doivent remplir certaines conditions. Elles doivent par exemple maîtriser les compétences de base et avoir un certain niveau linguistique. Il existe des CCT qui consacrent des fonds à ce domaine. Les cours de compétences de base transmettent des « connaissances et des aptitudes fondamentales dans les domaines ci-après : lecture, écriture et expression orale dans une langue nationale, mathématiques élémentaires et utilisation des technologies de l’information et de la communication ». De tels cours sont proposés par les cantons, mais peuvent aussi être utilisés par les secteurs d’activité couverts par une CCT et mis à la disposition des employés. Dans le meilleur des cas, les coûts des formations sont pris en charge. Les branches avec une part importante de personnes issues de la migration prévoient également le financement de cours linguistiques dans leur fonds de formation. Il s’agit souvent de cours de langues spécifiques à la branche et conformes au label « fide ». Le financement intervient souvent via un montant forfaitaire par semestre. On peut aussi donner aux personnes migrantes la possibilité de participer à la formation continue en leur proposant des formations dans leur langue.

La publicité sur les formations est un élément important pour garantir l’efficacité des activités de formation continue. Les secteurs d’activité couverts par une CCT publient les offres de formation dans leurs magazines, journaux, newsletters, sur leur réseau intranet, mais aussi sur leur site Internet, sur les réseaux sociaux ou sur youtube. Parfois, des programmes de formation imprimés sont envoyés aux entreprises couvertes par une CCT. Il arrive qu’elles soient contactées par téléphone. Trois mesures de communication ont attiré notre attention.

  • Un secteur d’activité couvert par une CCT envoie ses programmes de formation imprimés aux entreprises ; ces dernières reçoivent en outre des enveloppes libellées à l’adresse des employés afin que les programmes puissent leur être envoyés individuellement.
  • Une autre branche utilise une application pour contacter personnellement chaque employé à qui une formation est destinée.
  • Les employés sont aussi contactés personnellement dans les branches dans lesquelles les supérieurs hiérarchiques sont tenus d’aborder le thème de la formation continue lors de l’entretien individuel.

Les personnes migrantes n’ont pas toutes une connaissance suffisante de la langue nationale pour pouvoir juger si telle ou telle formation serait utile pour elles.

Les personnes migrantes n’ont pas toutes une connaissance suffisante de la langue nationale pour pouvoir juger si telle ou telle formation serait utile pour elles. Il peut donc être judicieux de faire la publicité des formations dans d’autres langues. Des ambassadeurs et ambassadrices de formation peuvent aussi inciter des employés d’un secteur d’activité ou d’une branche à participer à une formation continue. Ces ambassadeurs et ambassadrices bénévoles sont spécialement formés. Enfin, l’accès à la formation continue peut être facilité par un conseil par téléphone ou par écrit sur des questions en lien avec la participation, le financement ou les démarches administratives. Idéalement, ce conseil est proposé dans plusieurs langues.

Quels types de formation doivent être financés ?

Les formations spécialisées sont au centre de l’attention de toutes les branches couvertes par une CCT ; ces dernières sont en effet détentrices des connaissances spécialisées et ont tout intérêt à ce que ces connaissances soient diffusées. Mais la performance au travail des employés dépend aussi des compétences personnelles, sociales et méthodologiques. Ces compétences peuvent être intégrées au programme de formation ou développées via les cours proposés par les instituts de formation des syndicats Movendo et ARC.

Les fonds peuvent aussi être mis à profit pour la mise en place de programmes d’apprentissage en ligne, grâce auxquels les employés peuvent travailler de manière autonome, sans contrainte de lieu ni d’horaire. De tels cours en ligne conviennent également aux personnes qui préfèrent apprendre seules. Grâce aux possibilités numériques, des formations continues de courte durée peuvent aussi être proposées en ligne, par exemple pendant la pause-déjeuner. Des trajets sont ainsi évités et les participantes et participants n’ont pas à s’absenter de l’entreprise pendant toute une journée. Contrairement aux programmes d’e-learning, ce format de formation continue permet d’échanger au sein du groupe.

Dans différentes branches, les personnes en réinsertion professionnelle présentent un grand potentiel pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre. Il est donc judicieux de proposer des formations pour ce groupe cible et de financer les coûts de la formation via le fonds de formation.

Dans différentes branches, les personnes en réinsertion professionnelle présentent un grand potentiel pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre. Il est donc judicieux de proposer des formations pour ce groupe cible et de financer les coûts de la formation via le fonds de formation. Certains fonds de branche permettent la participation à des formations dans des centres de formation de la branche et encouragent les formations dans les entreprises. L’apprentissage n’a pas seulement lieu dans la salle de formation, mais aussi sur le terrain. Une CCT prévoit que les jours attribués pour la formation continue puissent être utilisés non seulement pour des formations classiques, mais aussi pour des missions « On-the-Job » (sur le lieu de travail) qui développent les qualifications. Dans certaines branches, les employés peuvent aussi poser leur candidature pour des formations ne faisant pas partie du programme.

Des formations continues peuvent aussi avoir lieu en dehors du temps de travail. Dans de telles situations, une solution avantageuse consiste à déduire de la formation continue les coûts liés au congé de formation continue (lorsque ce congé n’a pas été utilisé). Une CCT peut aussi prévoir la mise en place d’un compte d’épargne-temps. L’idée sous-jacente est de préserver le temps de travail pendant une période de formation continue. Les employés peuvent augmenter leur charge de travail avant la formation continue prévue et créditer cette charge de travail supplémentaire sur le compte d’épargne-temps pour pouvoir réduire leur temps de travail sans perte de salaire pendant la formation continue.

Les personnes souffrant d’un handicap accèdent plus difficilement à la formation continue. En fonction de leur handicap, elles doivent faire face à différents obstacles : s’inscrire à une formation sur des moyens numériques, effectuer le trajet pour se rendre à la formation, se déplacer et s’orienter dans le centre de formation, participer aux formations et aux examens. Il est donc avantageux qu’une offre de formation de la branche prévoie une compensation des désavantages lors des examens.

Dans certaines situations et pour des formations spécifiques, il peut être judicieux de verser une prime aux personnes qui ont participé à la formation et l’ont effectuée jusqu’à son terme. Une telle mesure peut inciter de manière déterminante les employés à suivre des formations, en particulier les personnes qui ont de faibles revenus.

Certaines branches sont soumises à des exigences de sécurité élevées, par exemple l’installation d’échafaudages. Cette branche met un point d’honneur à faire connaître les règles en matière de sécurité du travail, notamment aux personnes issues d’autres secteurs d’activité. À cet effet, elle a mis en place une formation avec certificat à l’intention de ces personnes. Cette formation est obligatoire à partir de la troisième année de service. Les frais de formation et les coûts salariaux sont pris en charge par la CCT. Les personnes qui terminent avec succès la formation passent à un échelon salarial plus élevé.

Recommandations

  • L’analyse des 21 CCT a mis en évidence de nombreuses possibilités pour renforcer la formation continue. Vérifiez si vous trouvez parmi celles-ci des mesures qui vous permettront de renforcer le système de formation continue relevant des partenaires sociaux.
  • L’introduction de la loi sur la formation continue (LFCo) a abouti à une définition claire de la notion de « formation continue ». Il semble judicieux, lors des révisions de CCT, d’adapter les termes et de désigner les cours préparatoires, les examens professionnels, les examens professionnels supérieurs et les écoles supérieures non plus par le terme de « formation continue », mais par le terme de « formation tertiaire » ou de « formation professionnelle supérieure ».
  • Les secteurs d’activité couverts par une CCT ne doivent pas tout faire eux-mêmes en ce qui concerne la formation continue et l’orientation de carrière. Ils peuvent profiter de projets nationaux, par exemple des cours de compétences de base des cantons, du projet d’entreprise ou de branche « Simplement mieux… au travail » ou du projet d’orientation de carrière « viamia ». Les secteurs d’activité couverts par une CCT peuvent faire connaître ces projets auprès de leurs membres et apporter à ces derniers un soutien financier ou mettre du temps à leur disposition.
  • Le système de formation continue relevant des partenaires sociaux doit être conçu de sorte que les entreprises qui soutiennent leurs employés dans la formation continue ne subissent aucun désavantage concurrentiel. Les réglementations de la CCT sur la formation continue doivent donc avoir pour objectif la mise en place d’une culture durable de la formation continue, qui permet aux entreprises de mettre en adéquation la qualification de leurs employés et leur positionnement sur le marché.
  • Les CCT avec leurs fonds de formation contribuent de manière importante à la promotion de la formation continue des employés en Suisse. Les recettes et les dépenses de ces fonds doivent être plus transparentes et faire l’objet d’une communication plus offensive.
  • Les personnes avec un handicap disposent d’un grand potentiel pour le marché du travail. Pour que ce potentiel soit mieux exploité, il est nécessaire d’accentuer les efforts dans l’éducation formelle et la formation continue. Les branches dont les CCT comportent des réglementations sur la formation continue peuvent contraindre leurs institutions de formation à concevoir leur offre de formation de sorte qu’elle soit plus inclusive. Elles peuvent aussi demander aux institutions de formation mandatées de prendre des mesures pour promouvoir l’inclusion. Il peut s’agir par exemple de sites Internet conviviaux, accessibles aux personnes handicapées. Des interlocutrices et interlocuteurs clairement définis ainsi qu’une infrastructure accessible aux personnes handicapées sont également des mesures utiles.

Des obstacles majeurs à la participation à la formation continue sont le temps et l’argent. Cela vaut en particulier pour les personnes faisant partie de groupes qui ont difficilement accès à la formation continue.

  • Des obstacles majeurs à la participation à la formation continue sont le temps et l’argent. Cela vaut en particulier pour les personnes faisant partie de groupes qui ont difficilement accès à la formation continue. Il est essentiel que ces personnes n’aient pas à financer à l’avance des formations soutenues par la CCT.
  • Un autre élément est important pour les personnes faisant partie de groupes qui ont difficilement accès à la formation continue, à savoir les offres qui leur permettent de participer à une formation continue. En font partie les cours de compétences de base et les cours de langues. Les branches qui proposent en outre des cours de base sanctionnés par un certificat permettent à des personnes sans diplôme post-obligatoire d’accéder à une carrière professionnelle pouvant conduire à une AFP ou à un CFC.
  • La motivation joue un rôle déterminant dans la participation à la formation continue. Cela vaut pour toutes les personnes participantes, notamment celles appartenant à des groupes qui ont difficilement accès à la formation continue. Il est donc essentiel que l’environnement (branche, entreprise et employés) contribue à renforcer leur motivation. L’annexe 1 de l’étude contient un aperçu des mesures qui favorisent la motivation.

Résumé en français. L’étude a bénéficié du soutien financier du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI).

Citation

Weber-Gobet, B. (2025). Comment les conventions collectives de travail réglementent la formation continue. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 10(10).

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