Promotion de la satisfaction au travail et dans la vie dans la formation professionnelle duale
Ce qui favorise le bien-être des apprentis
De bonnes relations et conditions de travail ont un effet positif sur l’acquisition de compétences professionnelles, mais aussi sur le bien-être général des collaborateurs – cela est confirmé par la littérature. Mais est-ce également le cas pour les apprenants ? Afin d’apporter plus de lumière sur les processus qui améliorent l’auto-efficacité des apprenants au travail et leur satisfaction, nous avons analysé les interactions entre différents facteurs tels que la personnalité proactive ou les conditions de travail. Les résultats indiquent qu’une attitude proactive de base et des relations épanouissantes, notamment avec les collègues, améliorent l’auto-efficacité professionnelle des apprenants et, directement ou indirectement, la satisfaction au travail.
Les études menées jusqu’à présent ont montré que la satisfaction des apprenants est influencée par divers facteurs – par exemple par des traits de personnalité, une forte identification avec leur propre travail ou la capacité d’adaptation professionnelle.
En revanche, peu d’études se sont penchées sur les apprenants. Celles-ci ont montré que leur satisfaction est influencée par divers facteurs – par exemple par des traits de personnalité (Volodina et al. 2019), une forte identification avec leur propre travail (Cortini 2016) ou la capacité d’adaptation professionnelle (Hirschi 2009).
La formation professionnelle duale peut être considérée comme la première phase de la socialisation professionnelle des jeunes (Masdonati, 2007). Mais un cinquième des contrats d’apprentissage sont résiliés prématurément, comme le montrent les données de l’Office fédéral de la statistique.[1] Il est donc important d’étudier la satisfaction au travail et dans la vie des apprentis. Ceux qui se consacrent avec plaisir à leur métier et sont satisfaits de leur vie font preuve de plus d’engagement dans l’entreprise (Seidel 2019 ; Lüthi et al. 2021). À l’inverse, les jeunes insatisfaits ont tendance à résilier leur contrat d’apprentissage avant la fin. Cela augmente leur risque de devenir chômeurs ou tomber dans une situation précaire, et de développer des problèmes de santé (Stalder et Schmid 2012).
Les facteurs qui influencent la satisfaction au travail et dans la vie des travailleurs adultes ont été abondamment étudiés ces dernières années (Marcionetti et Castelli 2023 ; Zhang et al. 2020 ; Zammitti et al. 2022). En revanche, peu d’études se sont penchées sur les apprenants. Celles-ci ont montré que leur satisfaction est influencée par divers facteurs – par exemple par des traits de personnalité (Volodina et al. 2019), une forte identification avec leur propre travail (Cortini 2016) ou la capacité d’adaptation professionnelle (Hirschi 2009).
Selon le modèle théorique de satisfaction au travail de Lent et Brown (2006, 2008 ; Social Cognitive Model of Job Satisfaction), qui a été développé principalement pour les travailleurs adultes, la satisfaction au travail et dans la vie est influencée par les facteurs suivants :
- Les traits de personnalité
- L’auto-efficacité professionnelle
- La perception des progrès accomplis dans la réalisation de ses propres objectifs
- Le réseau de soutien interpersonnel
- Les conditions de travail perçues
Étude de confirmation du modèle théorique
Dans le présent projet de recherche, nous nous sommes largement basés sur ce modèle, adapté à la réalité de vie des apprenants. Nous avons étudié les interactions entre les facteurs suivants :
- Personnalité proactive : elle se caractérise par la volonté d’agir et la recherche de défis et d’opportunités pour s’améliorer et améliorer ses conditions de vie.
- Compatibilité entre l’apprenant et son supérieur hiérarchique, ainsi qu’entre l’apprenant et son équipe de travail : elle se traduit par une certaine affinité avec les valeurs personnelles et professionnelles, les objectifs et les styles de vie et de travail.
- Perception de l’auto-efficacité professionnelle : les apprentis ayant une bonne auto-efficacité professionnelle ont le sentiment de pouvoir accomplir leurs tâches professionnelles avec sérénité et confiance en leurs propres capacités.
- Perception d’un travail décent : la perception de conditions de travail « décentes », telles que définies dans la psychologie de la théorie du travail de Duffy et al. (2016), requiert des conditions de travail sûres (pas d’agressions physiques, psychologiques ou émotionnelles), l’accès à des prestations de santé, une rémunération adéquate, la possibilité de bénéficier de loisirs et de repos ainsi que des valeurs d’entreprise en accord avec ses propres valeurs.
- La satisfaction au travail et dans la vie.
Les interactions que nous supposons entre ces variables sont présentées dans la figure 1.
Dans le cadre de l’étude, tous les apprentis en première et dernière année de formation dans cinq écoles professionnelles tessinoises ont été interrogés en ligne (524 apprentis âgés de 15 à 42 ans avec un âge moyen de 19.5 ans). 297 étaient en première année de formation et 227 en troisième et dernière année, 244 étaient des femmes et 286 des hommes. Le questionnaire contenait des questions sur les données sociodémographiques, la formation scolaire et les aspects mentionnés. Les données recueillies ont été analysées à l’aide d’un modèle statistique (modèle d’équations structurelles) ; les résultats sont présentés dans la figure 2. Les relations non significatives entre les variables ont été supprimées.
L’auto-efficacité professionnelle moins importante que prévu
L’auto-efficacité professionnelle des apprenants n’a aucune influence sur leur perception du travail décent ou sur leur satisfaction au travail.
Tout comme le modèle de Lent et Brown (2006 ; 2008) et les études antérieures sur les travailleurs adultes (Blustein et al. 2016 ; Duffy et al. 2017 ; Masdonati et al. 2022), nos résultats indiquent que la perception de conditions de travail décentes a une forte influence sur la satisfaction professionnelle des apprentis, ce qui, à son tour, a un impact considérable sur leur satisfaction de vie.
Toutefois, contrairement au modèle de Lent et Brown (2006 ; 2008) et à d’autres études portant sur des adultes (par exemple, Yeves et al. 2019), aucun lien direct n’a été établi entre l’auto-efficacité professionnelle et la satisfaction au travail, ni aucun lien indirect entre ces deux variables grâce au travail décent. Nos résultats indiquent que l’auto-efficacité professionnelle des apprenants n’a aucune influence sur leur perception du travail décent ou sur leur satisfaction au travail. Ces deux variables semblent donc indépendantes de la manière dont les jeunes se sentent préparés à leur activité sur le lieu de travail et de leur efficacité à cet égard.
Il apparaît plutôt que le sentiment d’efficacité professionnelle des apprentis est fortement influencé par l’entente avec leurs collègues (compatibilité avec l’équipe) – mais pas avec leurs supérieurs. De même, la perception d’être traité décemment au travail est influencée par de bonnes relations, tant avec les collègues qu’avec les apprenants.
Ces résultats sont en accord avec le modèle de Lent et Brown (2006, 2008) et soutiennent les résultats existants dans la littérature spécialisée : les relations positives au travail améliorent l’efficacité (personnelle) des collaborateurs (Karademas 2006 ; Lundberg et al. 2008 ; Coffman et Gilligan 2002). En outre, le modèle montre que de bonnes relations avec les collègues renforcent la perception de travailler dans des conditions décentes, ce qui correspond aux résultats d’études antérieures (par exemple, Wang et Lei 2021 ; Masdonati et al. 2022).
En accord avec le modèle de Lent et Brown (2006, 2008), il apparaît en outre qu’une personnalité proactive aide à s’intégrer dans l’équipe de travail et, même si c’est moins évident, à s’adapter aux apprentis. Le fait qu’une bonne entente avec les collègues ait une plus grande influence pourrait s’expliquer par le fait que les apprentis passent plus de temps avec ce groupe. Il est également possible que les formateurs professionnels ressemblent moins aux apprentis en termes d’âge, de mœurs et d’habitudes.
Enfin, conformément à des études antérieures (p. ex. Kim et Park 2017 ; Lin et al. 2014), nos résultats montrent qu’une personnalité proactive a un impact significatif sur la perception de l’auto-efficacité professionnelle. Cela confirme l’importance de l’implication proactive des apprenants dans des activités qui favorisent le développement de leurs connaissances et compétences – un phénomène également observé chez les travailleurs adultes (Dikkers et al. 2010). Enfin, notre modèle a permis d’étayer le lien entre la personnalité proactive et la satisfaction au travail ; toutefois, aucun lien entre la personnalité proactive et la satisfaction dans la vie n’a été mis en évidence.
Qu’est-ce que cela signifie pour la pratique ?
Les résultats permettent de tirer des conclusions pour la pratique :
Deuxièmement, un environnement de travail avec de bonnes relations interpersonnelles a un effet positif sur la perception qu’ont les apprentis de travailler dans des conditions décentes.
- Premièrement, comme Cooper-Thomas et Burke (2012) l’ont déjà souligné, il semble important que les apprenants qui rejoignent une entreprise adoptent des comportements proactifs, ce qui a un effet positif sur le développement de bonnes relations au travail, le développement de l’auto-efficacité professionnelle et la satisfaction au travail. Robertson et al. (2021) ont démontré qu’il est possible d’encourager la proactivité dans les organisations par le biais de pratiques spécifiques.
- Deuxièmement, un environnement de travail avec de bonnes relations interpersonnelles a un effet positif sur la perception qu’ont les apprentis de travailler dans des conditions décentes. Dans de telles relations, les jeunes ont la possibilité d’échanger de manière constructive avec leurs collègues et leurs formateurs sur les problèmes rencontrés dans leur travail quotidien.
- Enfin, le fait que les apprentis perçoivent les conditions de travail comme décentes peut être d’une importance décisive pour leur satisfaction au travail et dans la vie et, indirectement, pour la réduction du risque de résiliation prématurée du contrat d’apprentissage. On entend par là un environnement dans lequel les apprentis se sentent protégés physiquement et moralement, même en cas d’accident ou de maladie, où ils ont droit à du temps libre et à du repos, où ils sont rémunérés en fonction de leurs compétences et de leurs responsabilités et où les valeurs de l’entreprise sont en adéquation avec leurs propres valeurs.
Résumé
La présente étude a été menée dans le canton du Tessin. Elle a interrogé 524 apprentis âgés de 15 à 42 ans suivant un apprentissage dual sur leur satisfaction au travail et dans la vie. L’accent a été mis sur les facteurs suivants : la personnalité proactive et l’auto-efficacité professionnelle, la compatibilité perçue par les apprentis avec les formateurs de l’entreprise et les collègues au travail, ainsi que la perception de leurs propres conditions de travail. L’interdépendance entre ces facteurs et leurs effets sur la satisfaction au travail et dans la vie ont été examinés. Le modèle utilisé est basé sur le modèle de satisfaction au travail de Lent et Brown (2006, 2008). Les résultats montrent que la proactivité et les bonnes relations favorisent le développement de l’auto-efficacité professionnelle et, avec des conditions de travail perçues comme « décentes », influencent la satisfaction au travail. Celle-ci semble à son tour avoir une forte influence sur la satisfaction de vie des apprenants. Ces résultats soulignent l’importance pour les apprentis de développer des comportements proactifs visant à s’améliorer et à améliorer les conditions de leur propre bien-être ; en outre, les entreprises formatrices devraient favoriser le développement de bonnes relations avec les supérieurs et, plus encore, avec l’équipe et, enfin, offrir des conditions de travail perçues comme décentes par les apprentis.
[1] Les données correspondantes sont disponibles sur le site web de l’OFS.Literatur
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Citation
Zambelli, C., & Marcionetti, J. (2024). Ce qui favorise le bien-être des apprentis. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 9(13).