Formation professionnelle dans la recherche et la pratique
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Projet de recherche de la ZHAW et d'emplution

Les PME ont-elles besoin de coaching en formation continue ? Si oui, lequel ?

L’offre de formation continue en Suisse est variée, mais aussi peu claire. Si même les conseillères et conseillers d’orientation professionnelle, universitaire et de carrière n’ont pas un aperçu d’ensemble, comment les responsables des PME peuvent-ils s’y retrouver ? De plus, le temps et les ressources en personnel manquent souvent pour maintenir les activités quotidiennes dans les PME pendant la fréquentation d’un cours. Dans le cadre du projet financé par l’ERFI « Analyse des besoins et développement de prototypes prenant en compte les spécificités sectorielles de développement du personnel », une équipe de projet de la ZHAW et d’emplution, en collaboration avec les associations sectorielles JardinSuisse et Fiduciaire|Suisse, a étudié les défis actuels des responsables de PME en matière de formation continue. Sur la base des résultats, des propositions ont été élaborées pour atténuer les défis de la formation continue. L’adhésion des responsables de PME à ces propositions a été vérifiée.


Importance et compréhension de la formation continue dans les PME

Une majorité de responsables de PME considèrent la formation continue comme un fardeau pour l’entreprise.

En juin 2021, le Conseil fédéral (2021) a chargé le SEFRI d’améliorer les conditions-cadres de la formation continue à des fins professionnelles et de lancer des projets inédits, comme celui, sur le thème du « Coaching en formation continue pour les PME ». Les PME jouent un rôle central dans l’économie suisse. Selon la définition de l’Office fédéral de la statistique, 99.7 % de toutes les entreprises suisses sont des PME. Selon l’OFS, il s’agit d’entreprises comptant jusqu’à 250 collaboratrices/collaborateurs. De plus, plus de deux tiers de toutes les collaboratrices / collaborateurs (67.1 %) travaillent dans une PME (OFS, 2022a).

Les PME ont un grand besoin de connaissances concernant les compétences du futur (Gollob, 2020). Si des formations continues sont suivies, c’est le plus souvent pour des raisons professionnelles (OFS, 2022b). Le terme même de « formation continue » englobe une multitude d’activités telles que la fréquentation de stages, de cours, de formations sur le lieu de travail, mais aussi la lecture d’ouvrages spécialisés ou l’échange professionnel entre collègues (CSRE, 2023). Cependant, un grand nombre d’offres (payantes) sont trop peu spécifiques ou ne sont pas adaptées aux besoins des PME (Dernbach & Schüepp, 2019). En outre, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée fait que deux tiers des PME ont du mal à pourvoir des postes ; on s’attend à une aggravation de cette situation avec le départ à la retraite des baby-boomers (Zumbühl & Carnazzi Weber, 2022).

Dans ce contexte d’incertitude et de ressources humaines limitées existantes et à venir, le présent projet de recherche s’est fixé les objectifs suivants :

  1. Pour les associations sectorielles JardinSuisse et Fiduciaire|Suisse participant au projet, il existe des connaissances validées relatives aux défis spécifiques au secteur dans le domaine de la formation continue. Ceci est pertinent dans la mesure où les associations sectorielles, en tant qu’organisations du monde du travail (OrTra), sont coresponsables de l’organisation de la formation professionnelle (SEFRI, 2021).
  2. Afin de relever les défis de la formation continue spécifique à la branche, des solutions sont développées sous forme de prototypes et testées chez JardinSuisse et Fiduciaire|Suisse quant aux principales fonctionnalités de base et à l’adhésion auprès des responsables de PME.

Approche méthodologique

La première phase du projet, financé par le SEFRI, était axée sur l’analyse des défis et des besoins en matière de formation continue. Pour ce faire, l’équipe de projet de la ZHAW et d’emplution a mené en automne 2022 plus de 70 interviews avec des responsables de PME et des collaboratrices/collaborateurs des associations sectorielles JardinSuisse et Fiduciaire|Suisse ainsi que des prestataires de formation continue. Ensuite, une vaste enquête en ligne a été menée en décembre 2022 afin de déterminer quel type de soutien pourrait être utile aux PME. Avec environ 350 responsables de PME, le nombre de personnes ayant participé à l’enquête est réjouissant.

Au cours de la deuxième phase du projet, au printemps 2023, des solutions ont été développées sous forme de prototypes à partir des données et des réactions obtenues. Ces solutions constituent des propositions pour atténuer les défis de la formation continue. Les prototypes ont été testés dans le cadre de trois boucles de retour d’information au cours de 30 entretiens avec des responsables de PME et des prestataires de formation continue des deux secteurs, ainsi qu’avec des collaboratrices/collaborateurs des deux associations professionnelles impliquées, afin d’obtenir un retour sur l’acceptation, la convivialité et l’efficacité.

Résultats : défis et besoins de soutien des PME dans le contexte de la formation continue

L’analyse des besoins effectuée lors de la phase 1 a permis d’identifier les défis et les besoins de soutien suivants, communs et spécifiques à la branche (cf. Fig. 1), dans le domaine de la formation continue, tel qu’ils sont décrits par les PME des deux branches.

Les défis communs sont :

  • Une majorité de responsables de PME considèrent la formation continue comme un fardeau pour l’entreprise. Mis à part les coûts de la formation continue, la main-d’œuvre concernée manque pour le travail quotidien. Dans ce contexte, c’est surtout la fréquentation de cours et de stages qui est considérée comme une formation continue, la formation continue informelle étant moins à l’esprit.
  • Les responsables des PME sont mis au défi d’adapter leur planification du personnel aux souhaits de plus en plus individualisés de leurs collaboratrices/collaborateurs. Il est ainsi difficile de satisfaire à la fois la fréquentation de formations continues pendant les jours de travail et le souhait de travailler à temps partiel.
  • Les responsables des PME indiquent qu’ils disposent de toutes les informations nécessaires pour prendre des décisions en matière de formation continue, mais qu’ils souhaiteraient en savoir plus sur les offres de formation continue existantes dans leurs branches. Certes, des portails en ligne existent de la part des deux associations professionnelles, mais les dirigeants de PME déplorent malgré tout un manque de clarté en raison des offres multiples.
  • Les responsables de PME indiquent qu’ils aimeraient en savoir davantage sur la manière dont ils peuvent intégrer les connaissances acquises dans leur quotidien. Ils souhaitent que les prestataires de formation continue se concentrent davantage sur l’application des connaissances acquises.
  • Les responsables des deux branches ne pensent pas vraiment que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée pourrait, ne serait-ce que partiellement, être désamorcée par la formation continue.

Fig. 1 : Aperçu des défis et des besoins de soutien communs et spécifiques à la branche

 

Les défis spécifiques à la branche sont :

  • Pour être membre de Fiduciaire|Suisse, les formations continues doivent être attestées. Les certificats jouent donc un rôle particulièrement important dans ce secteur.
  • En ce qui concerne les formats de soutien, il apparaît que les formats en ligne gagnent en importance dans le secteur fiduciaire.
  • Les fiduciaires doivent contrôler et adapter en permanence leurs activités en raison des modifications et révisions législatives récurrentes. Ceci, ainsi que l’obligation de formation continue prescrite par l’association professionnelle, influence l’importance de la formation continue et conduit à suivre régulièrement des formations continues d’au moins une demi-journée ou une journée entière. Une telle culture de la formation continue n’est pas constatée dans le secteur vert. Les entretiens avec les collaboratrices/collaborateurs et la planification de la formation continue se font plutôt de manière ad hoc et sont moins institutionnalisés.
  • Dans le secteur vert, une procédure d’inscription simple et physique est un besoin important lors de la décision de suivre une formation continue.

Malgré les défis décrits, la formation continue semble être une pratique vécue de bout en bout dans les PME des deux secteurs et y avoir une place bien définie, même si la formation continue, souvent informelle, n’est pas perçue comme une formation continue par les PME. À cela s’ajoutent des thèmes généraux qui préoccupent beaucoup les PME des deux associations sectorielles : en premier lieu, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et la baisse d’attractivité perçue des professions de leur secteur. Sur la base des défis identifiés, trois propositions de solutions sont présentées ci-dessous sous forme de prototypes validés.

Résultats : solutions proposées pour relever les défis de la formation continue dans les PME

Prototype 1 : Certificat sectoriel de gestion de la formation continue pour les PME

Pour la plupart des PME, il est difficile d’identifier les besoins de développement des collaboratrices/collaborateurs et d’avoir une vue d’ensemble des offres de formation continue appropriées. De plus, la majorité des PME disposent de peu de compétences propres en matière de développement de leur personnel. Finalement, la formation continue n’est que partiellement perçue par la plupart des PME comme un instrument permettant d’atténuer la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Sur la base de ces conclusions de la phase 1, l’idée d’un certificat sectoriel de gestion de la formation continue pour les PME est née. Cette idée a été exprimée lors des interviews sur les solutions proposées pour relever les défis de la formation continue des PME (phase 2). L’idée est la suivante : dans le cadre d’une formation continue de plusieurs jours, les participantes et participants acquièrent et approfondissent leurs compétences afin de reconnaître les besoins en formation continue dans leur PME et identifier les offres appropriées. Ils encouragent une conception de la formation continue dans les PME qui va au-delà des cours formels et considèrent la formation continue comme un élément d’attractivité de l’employeur et de fidélisation des collaboratrices/collaborateurs ainsi qu’un moyen de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre.

Pour la plupart des PME, il est difficile d’identifier les besoins de développement des collaboratrices/collaborateurs et d’avoir une vue d’ensemble des offres de formation continue appropriées.

Les personnes interrogées de la phase 2 estiment que tout titulaire d’un certificat sectoriel de gestion de la formation continue pour les PME pourrait jouer un rôle similaire à celui des formateurs. Au lieu d’être responsables de la qualité de la formation des apprentis, elles seraient alors responsables de la qualité de la formation continue des collaboratrices/collaborateurs. Il convient d’examiner dans quelle mesure ce rôle pourrait être assumé, par exemple, par des collaboratrices/collaborateurs d’une PME ou par une représentante / un représentant d’une section régionale de l’association sectorielle, quasiment en tant que collaboratrice/collaborateur du service extérieur ou personne de contact pour les PME de la région. Cette question doit être examinée dans le cadre d’un éventuel projet ultérieur.

Les avantages pour les PME sont :

  • Augmenter l’activité de formation continue dans les PME
  • Améliorer le rapport coûts/bénéfices grâce à des activités de formation continue adaptées à la demande
  • Améliorer la culture du savoir dans les PME
  • Augmenter l’attractivité des PME et bénéficier d’avantages en termes de recrutement de personnel

Prototype 2 : co-pilote du développement professionnel

Le constat initial de ce prototype est qu’il est difficile d’avoir une vue d’ensemble des offres de formation continue appropriées. De plus, les besoins en formation continue des collaboratrices/collaborateurs ne sont souvent pas clairs. Lors des boucles de retour d’information pour définir les prototypes de la phase 2, il est apparu que le type de soutien apporté à la recherche de formation continue est un aspect central.

Les entretiens avec les responsables de PME ont confirmé l’utilité et l’acceptation d’un copilote numérique. Un savant mélange entre conseils numériques et humains semble être le plus souhaité. Toutefois, la forme exacte que doit prendre ce mélange de conseils numériques et humains reste à définir. Les demandes simples peuvent être traitées par un chatbot (robot conversationnel), les demandes plus complexes nécessitent plutôt des conseils humains professionnels. L’interrogation systématique des conditions des personnes intéressées par la formation continue est utile pour obtenir une meilleure adéquation entre la formation continue et les besoins et pour rendre l’investissement dans la formation continue également rentable pour les entreprises. De plus, la convivialité d’utilisation de l’instrument est décrite comme centrale. La / le co-pilote, qui reste à développer, peut donc être caractérisé/e comme une combinaison d’un outil basé sur l’IA et de conseils humains professionnels.

Les personnes interrogées lors de la phase 2 ont en outre clairement indiqué qu’un conseil supplémentaire basé sur les compétences pourrait élargir les perspectives de développement professionnel et donner une nouvelle impulsion au conseil en formation continue.

Les avantages et les bénéfices de cette mesure pour les PME sont les suivants :

  • L’accès au co-pilote (et non au pilote automatique !) est anonyme et ne nécessite pas de compte utilisateur. Il est disponible 24/24, gratuit et proposé sur les sites web de l’association, de ses sections et des prestataires de formation continue. L’offre se caractérise par une forte orientation client.
  • Contrairement à la connaissance limitée des offres de formation continue dans le conseil classique, la / le co-pilote peut mettre en évidence des recommandations personnalisées sur la base des conditions individuelles (p. ex., cours passerelles pour les personnes dotées d’équivalences qui changent d’orientation professionnelle).
  • Le conseil numérique en matière de formation continue porte notamment sur la prise en compte des acquis pour les examens et les cours.
  • Pour toute demande complexe, le système bascule vers un conseil humain et une réponse ferme et rapide est donnée, par exemple par la spécialiste / le spécialiste de la formation continue décrit dans le prototype 1.
  • Une fois développé, la / le co-pilote peut être utilisé/e dans différents secteurs.

Prototype 3 : portefeuille de compétences

La plupart des offres de formation initiale et continue sont axées sur l’obtention d’un diplôme sous la forme d’un certificat. Pour les entreprises, ce qui compte, c’est que les connaissances apprises soient mises en pratique – donc la compétence acquise plutôt que le certificat en soi.

La plupart des offres de formation initiale et continue sont axées sur l’obtention d’un diplôme sous la forme d’un certificat. Pour les entreprises, ce qui compte, c’est que les connaissances apprises soient mises en pratique – donc la compétence acquise plutôt que le certificat en soi. L’analyse des besoins effectuée lors de la phase 1 a notamment montré qu’il n’est pas possible pour les responsables des PME des deux secteurs de connaître tous les diplômes et toutes les compétences y associées de leur collaboratrices et collaborateurs. De plus, dans notre monde actuel, les compétences requises évoluent plus rapidement que les diplômes de formation continue.

Les personnes interrogées durant la phase 2 sont favorables à l’idée d’un portefeuille de compétences numériques. On y retrouve non seulement les certificats et les compétences issus de l’éducation et de la formation formelles, mais aussi les compétences acquises par exemple dans le cadre d’activités associatives ou de la formation continue informelle. Le portefeuille de compétences individuel permet de voir en un coup d’œil ce que les collaboratrices/collaborateurs sont capables de faire, permet de comparer les exigences de certains rôles dans l’entreprise et indique les voies de développement professionnel. Contrairement aux diplômes de formation initiale et continue plutôt statiques, un portefeuille de compétences peut mieux tenir compte des changements dynamiques des compétences requises sur le marché du travail.

Les avantages et les bénéfices de cette mesure pour les PME sont les suivants :

  • Les PME sont mieux à même d’identifier les compétences que les candidates/candidats apportent réellement que sur la base de diplômes de formation continue de moins en moins pertinents et standardisés.
  • Les PME peuvent potentiellement mieux identifier et combler les lacunes de compétences des collaboratrices/collaborateurs, ce qui contribue à la fidélisation du personnel.
  • En tant qu’outil de réflexion, le portefeuille de compétences aide les collaboratrices/ collaborateurs à mieux comprendre leurs compétences et leurs possibilités de développement. En même temps, les responsables de PME peuvent plus facilement prendre de bonnes décisions en matière de développement du personnel sur la base du portefeuille de compétences et donc potentiellement prendre de meilleures décisions d’investissement.
  • Utilisé dans l’ensemble d’un secteur, un portefeuille de compétences peut rendre transparente la jungle de la formation continue et favoriser la perméabilité.
  • Les PME peuvent plus facilement recruter des personnes qui changent d’orientation professionnelle si le portefeuille de compétences reflète également les compétences acquises ou équivalentes dans d’autres secteurs.

Conclusion

La numérisation et les changements structurels placent les PME face à de grands défis dans le domaine des ressources humaines. Des mesures spécifiques sont nécessaires pour se positionner en tant qu’employeur attrayant et pour garder les collaboratrices/collaborateurs dans l’entreprise. Les trois prototypes présentés ici doivent être compris comme des recommandations générales d’action dans le domaine de la formation continue pour les PME. Ils doivent contribuer à élargir la compréhension de la formation continue en mettant davantage l’accent sur l’acquisition de savoir sur le lieu de travail et sur la culture du savoir nécessaire à cet effet. La formation continue doit être considérée comme un élément important de la fidélisation du personnel. Le certificat sectoriel pour la gestion de la formation continue, la / le co-pilote pour le développement professionnel ou un portefeuille de compétences ne sont en aucun cas limités au secteur fiduciaire ou au secteur vert, mais pourraient également être utilisés dans d’autres secteurs. L’approche itérative suivie dans ce projet pour développer les propositions doit garantir que, lors d’une éventuelle mise en œuvre, l’acceptation et l’utilisation par les utilisatrices et utilisateurs, et donc l’utilité des mesures, soient garanties. Dans une prochaine étape, nous recommandons de concrétiser davantage ces propositions. Pour ce faire, il convient de regrouper les aspects intersectoriels dans un concept de base. Sur cette base, des concepts détaillés spécifiques à un secteur pourraient être développés.

Littérature complémentaire

Citation

Pölderl, C., Gerber, M., & Probst, J. (2023). Les PME ont-elles besoin de coaching en formation continue ? Si oui, lequel ?. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 8(10).

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