Étudier dans une haute école pédagogique après une formation professionnelle initiale
De nombreux obstacles – de nombreuses chances
L’importance de l’entrée dans une haute école pédagogique (HEP) après une formation professionnelle initiale s’accroît dans le champ de la politique de l’éducation, notamment en raison de la pénurie de personnel enseignant à l’école obligatoire. Simultanément, les connaissances sur ce sujet sont très parcellaires. Combien de diplômé∙e∙s d’une formation professionnelle initiale empruntent cette voie ? Quels parcours leur sont ouverts, quels obstacles doivent-ils surmonter et quels facteurs peuvent favoriser cette qualification professionnelle ? Les résultats du présent article montrent qu’un sixième des diplômé∙e∙s du degré secondaire II ayant débuté une formation à l’enseignement sont passés par la formation professionnelle initiale. Cependant, les analyses des données quantitatives comme qualitatives montrent aussi que les voies proposées pour y parvenir sont complexes et peu claires. De plus, certains facteurs – tels que le sexe, le type de formation professionnelle initiale et l’orientation scolaire qui lui est corrélée, de même que la perméabilité entre les domaines de formation – exercent une influence négative ou positive sur l’entrée en HEP.
Les résultats du présent article montrent qu’un sixième des diplômé∙e∙s du degré secondaire II ayant débuté une formation à l’enseignement sont passés par la formation professionnelle initiale.
L’importance de l’entrée dans une haute école pédagogique (HEP) après une formation professionnelle initiale s’accroît dans le champ de la politique de l’éducation, notamment en raison de la pénurie de personnel enseignant à l’école obligatoire. Simultanément, les connaissances sur ce sujet sont très parcellaires. Combien de diplômé∙e∙s d’une formation professionnelle initiale empruntent cette voie ? Quels parcours leur sont ouverts, quels obstacles doivent-ils surmonter et quels facteurs peuvent favoriser cette qualification professionnelle ?
Les résultats du présent article montrent qu’un sixième des diplômé∙e∙s du degré secondaire II ayant débuté une formation à l’enseignement sont passés par la formation professionnelle initiale. Cependant, les analyses des données quantitatives comme qualitatives montrent aussi que les voies proposées pour y parvenir sont complexes et peu claires. De plus, certains facteurs – tels que le sexe, le type de formation professionnelle initiale et l’orientation scolaire qui lui est corrélée, de même que la perméabilité entre les domaines de formation – exercent une influence négative ou positive sur l’entrée en HEP.
1 La formation à l’enseignement après une formation professionnelle initiale
Compte tenu de leurs expériences, les étudiants qui ont suivi une formation professionnelle initiale, travaillent, puis surmontent avec succès le parcours exigeant menant à la formation d’enseignantes et d’enseignants connaissent un enrichissement, que ce soit pendant leurs études ou dans leur métier. L’importance de cette voie s’accroît dans le champ de la politique de l’éducation, notamment en raison de la pénurie de personnel enseignant. Pourtant, nous en savons encore peu à ce jour sur les parcours de formation et les expériences de ce groupe d’étudiant∙e∙s.
Le présent article s’intéresse aux obstacles qu’il faut franchir pour entrer en haute école pédagogique (HEP) et aux facteurs qui peuvent favoriser cette voie de formation. Les résultats s’appuient sur les informations relatives aux conditions d’admission formelles dans cette filière, sur des analyses longitudinales dans le domaine de la formation (LABB) de l’Office fédéral de la statistique ainsi que sur des entretiens biographiques ciblés sur le parcours professionnel d’étudiantes et d’étudiants se formant à l’enseignement en degré secondaire I et qui ont choisi la profession enseignante après une formation professionnelle initiale.
2 La perméabilité des voies d’accès à la formation à l’enseignement après une formation professionnelle initiale
Les personnes qui souhaitent aujourd’hui embrasser une carrière d’enseignant peuvent non seulement y parvenir par les filières du gymnase et de l’école de culture générale, mais aussi via la formation professionnelle initiale (sanctionnée par le certificat général de capacité CFC)[1]. L’admission requiert l’obtention d’un examen complémentaire. Peuvent y prétendre toutes les personnes titulaires d’un CFC qui possèdent au moins trois années d’expérience professionnelle. Il est également possible de présenter un certificat de maturité professionnelle (MP). Dans ce dernier cas, seul un examen complémentaire réduit est requis à partir de 2023, dans lequel certaines matières d’examen de la MP sont validées. Il est recommandé de s’inscrire à un cours préparatoire avant de le passer. L’examen complémentaire passerelle permet d’accéder directement au cursus d’enseignement en degré secondaire I.
Depuis peu, les personnes âgées de 30 ans révolus possédant une expérience professionnelle peuvent être admises « sur dossier » sans titre de maturité dans les hautes écoles pédagogiques (HEP) de Suisse, si ces dernières établissent, au cours d’une procédure documentée, la capacité d’étudier du postulant ou de la candidate. La procédure d’admission comprend le dépôt d’un dossier et, selon les HEP, d’un test d’aptitude à suivre des études. Tous les candidats et candidates doivent également réussir une procédure visant à vérifier l’aptitude à l’exercice de la profession enseignante qui peut, par exemple, prendre la forme d’une journée d’évaluations.
Afin d’explorer la question des facteurs favorisant ou entravant l’accès des titulaires d’une formation professionnelle initiale aux HEP, nous analysons quatre dimensions de la perméabilité (Bernhard 2017, cf. fig. 1)
- Dans la première, nous nous intéressons aux règles d’admission formelles (I). Quels certificats sont requis ? Quels examens faut-il réussir ? Les conditions d’admission à la filière abordée ici sont complexes. Il est actuellement question d’en abaisser le niveau d’exigences.
- La deuxième dimension comprend la validation des acquis (II) individuelle et globale. Les formations antérieures sont examinées à l’aune des compétences acquises et des résultats d’apprentissage, pour lesquels une équivalence peut, le cas échéant, être accordée. Comme mentionné plus haut, les acquis dans une école de maturité professionnelle des titulaires d’une MP sont validés à partir de 2023.
- La troisième dimension porte sur les liens organisationnels (III) entre les domaines de formation, dans le cas qui nous intéresse ici entre la formation professionnelle et les études dans une HEP. La MP, par exemple, permet d’approfondir les compétences de culture générale et transversales. Elle prépare donc à des études supérieures et complète la formation professionnelle CFC orientée vers les compétences opérationnelles professionnelles.
- La quatrième dimension englobe les structures d’aide et l’ouverture à l’hétérogénéité des étudiant∙e∙s (IV). Dans quelle mesure, la formation à l’enseignement tient-elle compte des diverses expériences et compétences des étudiantes et étudiants venant d’une formation professionnelle initiale ? La formation professionnelle est essentiellement orientée vers la pratique professionnelle (Esposito 2022 ; Leemann et al. 2019). À l’inverse, la formation à l’enseignement requiert une capacité à étudier et vise plus fortement des connaissances abstraites et théoriques. Il est parfois nécessaire de recourir à des conseils ciblés et à des informations pour maîtriser la culture d’apprentissage et d’enseignement exigée dans une HEP et pour y réussir ses études. L’ouverture signifie que la HEP prenne en considération les expériences professionnelles et éducatives antérieures afin de tirer profit de la perméabilité.
3 Importance du sexe et de la profession apprise
En nous appuyant sur les analyses longitudinales dans le domaine de la formation (LABB) de l’Office fédéral de la statistique (OFS), nous avons étudié le sexe, le métier appris et le cursus choisi pour la formation à l’enseignement de toutes les personnes qui ont commencé cette formation dans les 54 mois après l’obtention d’un CFC en 2012[2].
Le tab. 1 indique le nombre de diplômé∙e∙s d’une formation professionnelle initiale qui débutent des études d’enseignement. La colonne Total mentionne les chiffres absolus, la colonne Taux (%) le pourcentage de passages en formation à l’enseignement. Il concerne moins de 1% de titulaires d’un CFC sans MP1, et près de 3% pour celles et ceux qui possèdent une MP1. La dernière colonne, Part de toutes les entrées, met en lumière le pourcentage de diplômé∙e∙s du degré secondaire II qui ont commencé une formation à l’enseignement. 10 % d’entre eux sont issus de la cohorte munie d’un CFC sans MP1, 6 % sont titulaires d’un CFC & d’une MP1, les 84 % restants sont diplômés des écoles de culture générale ou du gymnase (non représentés dans le tableau).
Dans les deux voies d’accès, les femmes sont proportionnellement plus nombreuses à s’engager dans une formation à l’enseignement que les hommes (colonne Part de toutes les entrées), bien que les hommes soient plus nombreux à terminer le degré secondaire II avec un CFC (avec / sans MP1) (colonnes Total des diplômé∙e∙s). Au sein de ces deux voies, les femmes sont trois fois plus nombreuses à se décider en faveur d’une formation à l’enseignement (colonne Taux %). Les analyses multivariées approfondies permettant de contrôler l’âge, la nationalité et le lieu de résidence (région linguistique ; ville-campagne) attestent aussi une différence marquée entre les sexes dans le choix de la profession enseignante (Leemann et al. 2022). Il est également intéressant de noter que les hommes se décident souvent pour une formation à l’enseignement dans le secondaire I, tandis que les femmes optent majoritairement pour des études débouchant sur l’enseignement en école enfantine ou au degré primaire.
Nous nous sommes également demandé dans quelle mesure le profil pédagogique du métier appris (professions dans le secteur social, pédagogique ou celui du care) et l’ampleur de la formation scolaire (Kriesi et al. 2022, p. 21 et suiv.) favorisent le passage vers des études d’enseignement.
Les résultats sont illustrés dans le tab. 2. Le modèle 1 montre qu’un profil à caractère pédagogique n’influence pas la probabilité d’entrée en formation à l’enseignement (colonne AME). Dans le modèle 2, on inclut la part de matières scolaires dans la formation professionnelle initiale en postulant que la culture d’apprentissage et d’enseignement dans la formation professionnelle choisie est un facteur explicatif important (Esposito 2022 ; Leemann et al. 2019). Comme on peut le voir, la probabilité de choisir une formation à l’enseignement décline lorsque la part des périodes d’enseignement dans l’école professionnelle est faible. À l’étape suivante (modèle 3), nous avons introduit l’obtention d’une maturité professionnelle comme nouveau facteur. Il exerce une influence significative sur la probabilité de s’inscrire dans une formation à l’enseignement. Le facteur de la part de matières scolaire n’est plus significatif et en accroissant la probabilité d’obtention d’une MP1 ou d’une MP2, il détient par conséquent un effet modérateur.
4 Quels facteurs favorisent ou entravent le parcours vers une formation à l’enseignement ?
Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Bettina Weller mène des entretiens biographiques centrés sur la profession avec des étudiantes et des étudiants en filière enseignement en degré secondaire I et arrivés à la HEP via une formation professionnelle initiale. Nous présentons dans ce qui suit les parcours, les expériences et les motivations de deux des personnes interviewées, en les analysant au prisme des dimensions de la perméabilité.
David : « Le parcours est semé d’embûches »
David fait un récit dramatique de son parcours pour entrer en HEP : sa demande d’admission « sur dossier » a été rejetée. Il a tenté sa chance auprès d’une autre HEP qui ne proposait alors pas de procédure « sur dossier » et il a raté l’examen complémentaire.
David a suivi le degré secondaire I à exigences élevées, alors que ses notes lui auraient également permis d’entrer dans une voie à niveau d’exigences prégymnasial. Après l’école obligatoire, il a commencé un apprentissage d’employé de photographie dans la boutique du photographe du village. Il juge que l’apprentissage était « beaucoup trop facile ». Mais ni David ni l’entreprise formatrice n’ont alors songé à une école de maturité professionnelle. Il s’est mis à son compte peu après avoir fini son apprentissage. Des années passionnantes dans le secteur de la photographie ont suivi. Les difficultés financières liées à son activité ont obligé David à se reconvertir. Un ami professeur lui a donné l’idée de se tourner vers l’enseignement et il s’est renseigné auprès de la HEP de son canton. En raison de la pénurie de personnel enseignant, on lui a conseillé par téléphone de postuler immédiatement. Il a envoyé 76 candidatures et, sans aucune formation pédagogique, a décroché un poste d’enseignant au degré primaire, à la condition, posée par la direction de l’école, qu’il commence une formation à la HEP l’année suivante.
David fait un récit dramatique de son parcours pour entrer en HEP : sa demande d’admission « sur dossier » a été rejetée. Il a tenté sa chance auprès d’une autre HEP qui ne proposait alors pas de procédure « sur dossier » et il a raté l’examen complémentaire alors qu’il s’y était minutieusement préparé. « C’était un tel stress pour moi ». Il a pu consulter sa copie et s’est rendu compte qu’il avait travaillé trop lentement. Il « s’est exercé bêtement » à rédiger des résumés. Pour mettre cette fois toutes les chances de son côté, ce natif d’un autre canton a déboursé 8 000 CHF pour un cours préparatoire. « L’atterrissage a été rude » pendant ce cours. « L’allemand et la grammaire et le français – c’était difficile ». Quand il a fini par recevoir par la poste son admission à la HEP, cursus degré primaire, « j’ai pleuré devant la factrice ». Sa résistance au stress acquise lorsqu’il était à son compte et sa motivation découlant de son activité d’enseignant au degré primaire l’ont aidé à gérer les embûches qui ont pavé son parcours vers la HEP. Les études à la HEP laissent de bons souvenirs à David. On a notamment « autorisé ses vœux particuliers en matière de stage ». Les matières enseignées ne lui ont posé aucun problème. Après le bachelor pour le degré primaire, il s’est inscrit pour passer un diplôme additionnel pour le degré secondaire I et souhaite décrocher un master.
À quel point le parcours du trentenaire vers la HEP a-t-il été perméable ? Il avait le choix entre deux « règles d’admission » formelles (dimension I) : l’admission « sur dossier » ou l’accès via un examen complémentaire. Les deux options lui ont posé problème. Le fait de pouvoir consulter sa copie après avoir échoué à l’examen d’admission s’est révélé bénéfique pour David. La dimension II « validation des acquis » se retrouve ici dans la prise en compte de son expérience professionnelle qui lui a permis, même sans MP, de pouvoir passer l’examen complémentaire et de déposer un dossier devant attester sa capacité à étudier. Mais dans son cas particulier, il s’est avéré que les compétences acquises dans sa vie professionnelle n’ont pas suffi à passer avec succès la procédure d’admission – ni « sur dossier » ni via un examen complémentaire. Il lui a fallu un troisième essai et une préparation scolaire approfondie et onéreuse. La dimension III « liens organisationnels » entre le CFC et la HEP est relativement faible chez David. Sa formation professionnelle initiale CFC dans le domaine de la photographie au sein d’une microentreprise n’entre pas dans la catégorie des formations professionnelles ayant un pourcentage élevé de périodes d’enseignement scolaire et un nombre important de titulaires d’une MP (Kriesi et al. 2022, p. 23-24). Ceci l’a probablement empêché de pouvoir profiter du premier coup de la perméabilité vers la formation tertiaire, malgré ses bonnes notes au degré secondaire. Selon Meyer et Sacchi (2020), en effet, les chances d’obtenir un diplôme du degré tertiaire s’amenuisent de façon notable lorsque les personnes ont effectué un apprentissage professionnel proposant peu d’enseignement scolaire (ibid., p. 23). Le lien organisationnel entre les études d’enseignant en primaire et en secondaire lui a permis de changer une nouvelle fois de métier. La dimension IV « gestion de l’hétérogénéité » dans les études n’a posé aucun problème à David, ce qui pourrait s’expliquer par le fait qu’il avait déjà pris ses marques dans la profession d’enseignant.
Tom: « Je n’ai jamais rien raté »
Tom a trois frères et a passé son enfance dans un village. Son père est un agriculteur suisse, sa mère a grandi en Turquie ; elle n’a pu se former à aucun métier. Ses parents ont divorcé avant que Tom n’entre à l’école. Il explique la difficulté de son parcours scolaire par l’ignorance de sa mère célibataire en matière éducative. Tom a dû également se fier à des journées d’information et à des recommandations extrafamiliales quand il a eu des questions sur la suite de sa formation. Il explique sa difficulté à trouver une place d’apprentissage par ses mauvais résultats scolaires et non par des facteurs externes. Tom était peu doué pour les travaux manuels, ce qui excluait beaucoup de professions. Il a réussi à décrocher une formation d’employé de commerce dans un réseau d’entreprises formatrices. Ses mauvaises notes à l’école faisaient qu’il n’était pas question d’envisager une MP1. Il qualifie de « coup de chance » l’accès sans examen à la MP2. Ce n’est qu’après la MP et diverses manifestations d’information qu’il a envisagé la profession « enseignante ». L’examen complémentaire à la HEP « n’était pas bien difficile quand on vient de la MP » et qu’on suit le cours préparatoire. Sa confiance en ses capacités scolaires et estudiantines n’a cessé de croître. Après son diplôme d’enseignant du degré primaire, il a poursuivi par le diplôme additionnel du degré secondaire. Aujourd’hui, Tom peut affirmer : « Je n’ai jamais rien raté ».
Ses études n’ont posé aucune difficulté à Tom, même sans maturité gymnasiale. Après le bachelor du degré primaire, il s’est inscrit immédiatement en master en enseignement secondaire.
Du point de vue de la perméabilité de son parcours vers la HEP, la possibilité d’examen complémentaire a été décisive pour Tom, qui était trop jeune pour l’admission « sur dossier » (« règles d’admission », dimension I). La dimension II « validation des acquis » réside globalement dans la validation des expériences et des connaissances d’une formation professionnelle initiale et d’une MP lors de l’accès à la HEP. Cinq aspects renvoient à la dimension III « liens organisationnels des domaines de formation ». Premièrement, David a été bien préparé à la MP2 lors de son apprentissage « d’employé de commerce CFC », qui comprend une part élevée de périodes d’enseignement et mène beaucoup d’apprenti∙e∙s à la MP (cf. Kriesi et al. 2022, p. 24). Deuxièmement, les règles du canton où il est domicilié lui ont permis d’entrer sans examen dans une école de maturité professionnelle préparant à la MP2 grâce à la moyenne de ses notes (Hänni et Kriesi 2022). Troisièmement, une réunion d’information sur la HEP a été organisée dans cette école et lui a donné l’idée de choisir cette filière. Quatrièmement, le cours préparatoire suivi par Tom, dispensé par une école du canton où il réside, lui a permis de bien se préparer à l’examen complémentaire. Le cours (frais et fournitures inclus) lui a coûté 1 300 CHF, car il a obtenu une garantie de prise en charge de la part de son canton. Enfin, Tom a pu poursuivre par un master en enseignement secondaire. Quant à la dimension IV « gestion de l’hétérogénéité », ses études ne lui ont posé aucune difficulté, même sans maturité gymnasiale. Après le bachelor du degré primaire, il s’est inscrit immédiatement en master en enseignement secondaire.
5 Conclusion
Le profil de la profession choisie – la proximité avec la pédagogie – n’est pas un facteur qui favorise cette voie professionnelle. En revanche, la part d’enseignement scolaire du métier appris est significative.
Notre étude met en évidence que les diplômé∙e∙s de la formation professionnelle initiale peuvent constituer un réservoir pour la profession enseignante et ainsi remédier à la pénurie de personnel enseignant. Les analyses des études longitudinales représentatives montrent qu’un sixième des diplômé∙e∙s du secondaire II s’inscrivant à des études d’enseignement sont passés par la formation professionnelle initiale. Ce sont en grande majorité des femmes qui choisissent de s’engager dans cette qualification professionnelle, un constat qui s’applique aussi aux étudiant∙e∙s venant du gymnase et de l’école de culture générale. Mais comme la formation professionnelle initiale est, en chiffres absolus, plus souvent choisie par les hommes, ces derniers sont tout de même nombreux à accéder aux HEP par cette voie. Ils choisissent souvent le cursus du degré secondaire I, tandis que les femmes optent majoritairement pour l’école enfantine et le degré primaire.
Le profil de la profession choisie – la proximité avec la pédagogie – n’est pas un facteur qui favorise cette voie professionnelle. En revanche, la part d’enseignement scolaire du métier appris est significative – plus elle est importante, plus la probabilité d’emprunter cette filière de qualification professionnelle augmente.
Les acteurs de la politique de l’éducation et de la formation ont envisagé ces dernières années diverses options pour encourager cette voie de qualification professionnelle. De nouvelles règles d’admission et la validation des acquis permettent désormais d’accéder à une formation à l’enseignement sans maturité professionnelle. Les examens complémentaires ou la vérification de l’aptitude aux études restent toutefois des prérequis pour l’admission dans une HEP. Ainsi que le mettent en lumière des entretiens avec des étudiant∙e∙s qui ont choisi de se former à l’enseignement après une formation professionnelle initiale, d’autres facteurs entrent en jeu dans cette perméabilité. Les récits biographiques de ces partenaires d’interviews révèlent également combien le choix du métier appris et donc la proximité de ce dernier avec les matières scolaires impactent la suite du parcours de formation. De même, les règles cantonales relatives à l’accès à la MP sont décisives, tant elles peuvent favoriser ou entraver ce parcours. Le soutien aux personnes intéressées par des cours préparatoires – leur accessibilité, leur qualité et leur financement – est central. Enfin, il faut aussi que les diplômé∙e∙s de la formation professionnelle initiale aient tout simplement connaissance de cette option professionnelle, raison pour laquelle il est important d’organiser des manifestions d’information dans les écoles de maturité professionnelle, mais aussi des campagnes médiatiques intercantonales coordonnées.
[1] Nous restreignons ici notre étude aux voies d’accès à la formation à l’enseignement dispensée dans les Hautes écoles pédagogiques (HEP). À Genève (tous niveaux) et à Fribourg (degré secondaire I), cette formation est rattachée à l’université.
[2] L’étude a également analysé le parcours des diplômé∙e∙s du gymnase et de l’école de culture générale ayant opté pour une formation à l’enseignement. (Leemann et al. 2022).
[3] Les Predictive Margins (PM) sont les probabilités moyennes d’admission à une formation à l’enseignement. Les Average Marginal Effects (AME) correspondent à la mesure d’une distance absolue qui peut s’interpréter comme une différence de point de pourcentage des PM et qui permet de comparer différents modèles. Ils ne sont mentionnés dans le tableau que s’ils sont pertinents.
Bibliographie
- Bernhard, Nadine (2017). Durch Europäisierung zur mehr Durchlässigkeit? Veränderungsdynamiken des Verhältnisses von beruflicher Bildung zur Hochschulbildung in Deutschland und Frankreich. Opladen/Berlin/Toronto: Budrich Verlag.
- Esposito, Raffaella Simona (2022). Un potentiel inexploité pour le recrutement de professionnel le·s de la santé ? Comparaison entre la filière d’école de culture générale Santé et la formation professionnelle initiale d’assistant·e en soins et santé communautaire. In: Gymnasium Helveticum, n° 3/22, p. 18-21.
- Hänni, Miriam, Irene Kriesi (2022). Maturité professionnelle : quel rôle jouent les conditions d’admission cantonales ? OBS HEFP Zoom sur les tendances no. 1. Zollikofen: Haute école fédérale en formation professionnelle HEFP.
- Kriesi, Irene, Lorenzo Bonoli, Miriam Grønning, Miriam Hänni, Jörg Neumann, Jürg Schweri (2022). La formation professionnelle au niveau international et en Suisse – tensions, défis, développements, potentiels. OBS HEFP Rapport de tendance 5. Zollikofen: Haute école fédérale en formation professionnelle HEFP.
- Leemann, Regula Julia, Andrea Pfeifer Brändli, Christian Imdorf, Sandra Hafner (2022). Lehramtsstudierende in der Schweiz: Zur Bedeutung der Zugangswege Gymnasium, Fachmittelschule und berufliche Grundbildung in Geschlechterperspektive. In: Susanne Burren und Sabina Larcher (dir.). Geschlecht, Bildung, Profession – Ungleichheiten im pädagogischen Berufsfeld. Opladen Verlag Barbara Budrich, p. 190-217.
- Leemann, Regula Julia, Raffaella Simona Esposito, Andrea Pfeifer Brändli, Christian Imdorf (2019). Handlungskompetent oder studierfähig? Wege in die Tertiärbildung: Die Bedeutung der Lern- und Wissenskultur. 2(2). Transfer, Berufsbildung in Forschung und Praxis (2/2019), SGAB, Schweizerische Gesellschaft für angewandte Berufsbildungsforschung.
- Meyer, Thomas, Stefan Sacchi (2020). Wie viel Schule braucht die Berufsbildung? Eintrittsdeterminanten und Wirkungen von Berufslehren mit geringem schulischen Anteil. In: Kölner Zeitschrift für Soziologie und Sozialpsychologie, 72, p. 105-134. Zusammenfassung in Transfer 2/2022.
Citation
Leemann, R. J., Weller, B., & Pfeifer-Brändli, A. (2023). De nombreux obstacles – de nombreuses chances. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 8(1).