Une école professionnelle s’examine

Le centre de formation commerciale de Zoug (KBZ) a anticipé la complexité de la mise en œuvre des réformes et a donc décidé, deux ans déjà avant le début de la mise en œuvre, d’accompagner le processus de transformation d’une évaluation externe systématique.

Les réformes de la formation professionnelle « vente 2022+ » et « employé·e·s de commerce 2023 » placent les écoles professionnelles au pied de transformations fondamentales. Le changement de paradigme central se situe dans le passage des matières scolaires traditionnelles à des domaines interdisciplinaires de compétences opérationnelles : avec pour conséquence une forte orientation sur les compétences. Ces réformes ne concernent pas seulement des aspects pédagogiques, mais nécessitent aussi des ajustements d’ordre organisationnel et structurel dans des domaines tels que le soutien individualisé, l’évaluation des performances des élèves, la conception de l’espace ainsi que les environnements numériques d’apprentissage (Wegmüller 2021).

Pour faire face à ces défis, le Centre de formation commerciale de Zoug (KBZ) applique une stratégie de mise en œuvre qui combine, de manière innovante, d’une part un développement scolaire basé sur des données établies ; et d’autre part, une structure de gouvernance partagée (Wegmüller & Brückel 2022). Au cœur de la mise en œuvre a lieu la fondation de douze équipes de sous-projet spécialisées, chacune dirigée par une enseignante ou un enseignant. Un comité de pilotage, composé des directrices et directeurs des sous-projets, s’occupe de coordonner les différents aspects des réformes ; tandis qu’un groupe de validation, formé de personnel enseignant expérimenté, s’assure que les programmes d’enseignement sont cohérents. Cette procédure permet d’intégrer différentes perspectives professionnelles et de développer des compétences de gestion multirationnelles (Wegmüller & Brückel 2022).

De plus, le KBZ a anticipé la complexité de la mise en œuvre des réformes et a donc décidé, deux ans déjà avant le début de la mise en œuvre, d’accompagner le processus de transformation d’une évaluation externe systématique. En guise de partenaire pour l’évaluation, le KBZ a pu s’allier au Centre de développement scolaire (ZSE) de la Haute École pédagogique de Zurich (PHZH). Celui-ci apporte depuis longtemps son soutien, pour l’aspect de la recherche, dans des processus complexes de développement scolaire (p. ex. Zala-Mezö, entre autres, en 2018). Le ZSE suit une approche basée sur le dialogue, associant ses compétences spécialisées externes à l’expertise interne (Caspari 2006 ; Brandes et Schaefer 2013 ; Stockmann et Meyer 2014) : cette approche repose sur la conviction qu’une telle collaboration est enrichissante pour les deux parties.

Détails sur l’approche d’évaluation participative

L’évaluation a commencé par un atelier de lancement commun en février 2022, lors duquel le comité de pilotage, en collaboration avec l’équipe du ZSE, a défini l’objectif et formulé les questionnements pour l’évaluation externe. Les différentes étapes et activités de l’évaluation sont représentées dans le graphique n^o 1.

Graphique 1 : étapes et activités de l’approche d’évaluation participative.

Détails sur l’étude et les instruments de collecte des données

Dans le cadre de l’évaluation externe, des enquêtes en ligne sont menées auprès d’élèves et de professeurs des cursus de formation « commerce de détail » et « employé·e de commerce », après la première année d’apprentissage (instant t1) puis à la fin des formations CFC de trois ans (t2). Cette procédure permet, d’une part, de déduire dans les meilleurs délais des ajustements axés sur la pratique ; et d’autre part, d’observer les changements au fil du temps.

Pour créer les enquêtes en ligne, l’équipe d’évaluation du ZSE a analysé toute une série de documents portant sur les thématiques suivantes :

1. Réforme de programme : plan de formation au commerce de détail pour les réformes « vente 2021 » (BDS FCS, 2021), plan de formation d’employé·e de commerce pour les réformes « employé·e·s de commerce 2023 » (FOCOS, 2021)
2. Concept d’enseignement et d’apprentissage : Lernen 2020 [Apprendre en 2020] (Centre de formation commerciale de Zoug, 2021), enquête auprès d’élèves de classes terminales dans les écoles (ZEM CES, 2023), Konzept individuelle Förderung [Concept de soutien individualisé] (Centre de formation commerciale de Zoug, 2023), Tätigkeitsprofil BFS-Lehrpersonen [Profil du personnel enseignant en école professionnelle] (Ectaveo, 2021)
3. Transformation de l’organisation scolaire : Konzept digitaler Medien [Concept des médias numériques] (Centre de formation commerciale de Zoug, 2022a), Konzept Prüfen, Beurteilen und Bewerten [Concept de contrôle, d’appréciation et d’évaluation] (Centre de formation commerciale de Zoug, 2022b)
4. Recherche scientifique en développement scolaire et évolution de l’apprentissage : Selbstwirksamkeit [Auto-efficacité] (Rigotti et al, 2008), Zusammenarbeit im Team [Collaborer en équipe] (Armi & Pagnossin, 2012, Kauffeld & Frieling, 2001, Hartmann, Richter & Gräsel, 2021), organisationales Lernen [L’Apprentissage organisationnel] (Higgings et al., 2012).

La plupart des items sont formulés de telle manière que les élèves et les professeurs peuvent livrer une appréciation du même contenu.

L’équipe d’évaluation du ZSE s’est appuyée sur ces documents pour établir les thématiques de l’enquête en ligne et formuler des items concrets ; puis ces derniers ont été commentés et complétés par deux membres de la direction du KBZ. Enfin, la version finale des items de l’enquête a été élaborée par voie de consensus. Pour chacun des deux cursus de formation, deux versions ont été élaborées : une pour les élèves et une autre pour le corps enseignant. Les thématiques et items suivants ont été définis pour les enquêtes en ligne :

• Domaines de compétences opérationnelles (6 items pour le commerce de détail, 13 items pour les employé·e·s de commerce, par enquête – élèves et corps enseignant)[1]
• Dimensions des compétences opérationnelles (4 items par enquête – élèves et corps enseignant) (ibid)
• Expérience professionnelle et orientation pratique dans les cours / organisation du cours (10 items par enquête)[2]
• Participation, au sens du soutien et de l’autonomie (3 items par enquête) (ibid)
• Les processus d’apprentissage autodirigés (7 items par enquête) (ibid)
• Retours et coaching de la part du corps enseignant (6 items par enquête) (ibid)
• Matériel d’enseignement et utilisation des médias (10 items pour les élèves, 8 items pour le corps enseignant)[3]
• Justificatifs d’acquis et évaluation de performance (8 items par enquête) (ibid)
• L’enseignement en équipe (2 items par enquête) (ibid)
• Intérêt et auto-efficacité (7 items pour les élèves, 4 items pour le corps enseignant)[4]
• La collaboration au sein de l’équipe (10 items, uniquement pour le corps enseignant) (ibid)
• La direction d’équipe (4 items, uniquement pour le corps enseignant) (ibid)

La plupart des items sont formulés de telle manière que les élèves et les professeurs peuvent livrer une appréciation du même contenu. Ainsi, il est possible d’analyser à quel point les avis des élèves et ceux du corps enseignant convergent concernant le même item. Les items suivants, issus des « dimensions des compétences opérationnelles pour le cursus de formation au commerce de détail », en sont un bon exemple :

Élèves : « En cours, nous abordons régulièrement des produits/services de notre propre secteur économique. »

Professeurs : « En cours, nous abordons régulièrement des produits/services appartenant aux secteurs économiques des élèves. »

Voici des exemples de formulation d’items issus des « domaines de compétences opérationnelles pour le cursus de formation d’employé·e de commerce » :

Élèves : « En cours, nous abordons la question de comment nous pouvons, en tant qu’employé·e de commerce, nous impliquer dans les interfaces opérationnelles. »

Professeurs : « En cours, nous abordons la question de comment les élèves peuvent, en tant qu’employé·e de commerce, s’impliquer dans les interfaces opérationnelles. »

La réponse aux items se fait grâce à quatre options (1 = pas du tout d’accord, 2 = plutôt pas d’accord, 3 = plutôt d’accord, 4 = tout à fait d’accord). En supplément, à la fin de chaque thématique, les personnes participantes ont la possibilité de communiquer leurs commentaires et suggestions dans un champ de réponse libre.

Réalisation de l’étude et échantillonnage

L’enquête en ligne sur la mise en œuvre des réformes « vente 2022+ » (commerce de détail) à l’instant t1 a été réalisée pendant un cours, à l’école, au printemps 2023. 86 élèves (taux de réponse : 97.7%) et 7 enseignantes et enseignants (taux de réponse : 87.5%) ont participé à l’enquête. Les élèves étaient âgés d’entre 16 et 22 ans (M = 17.8 ans, SD = 1.70). L’enquête t1 concernant la mise en œuvre des réformes « employé·e·s de commerce 2023 » (sans MP1) a eu lieu un an plus tard, au printemps 2024. 125 élèves y ont participé (taux de réponse : 98%), âgés d’entre 16 et 23 ans (M = 16.7 ans, SD = 1.96), ainsi que 16 enseignantes et enseignants (taux de réponse : 80%).

Sélection de résultats

L’exploitation des données a lieu sous forme de description statistique, avec un calcul de moyennes (M) et d’écarts-types (SD) pour les différents items. En raison de la manière dont les items sont formulés, les résultats permettent, dans la plupart des cas, une comparaison entre les appréciations des élèves et celles du corps enseignant au sein du même cursus, ainsi qu’une comparaison entre les cursus.

Pour le cursus de formation au commerce de détail, l’évaluation externe à la fin de la première année d’apprentissage livre des résultats très positifs. À l’exception d’un seul aspect, tous les résultats des élèves affichent des moyennes nettement supérieures à la moyenne théorique M = 2.5. Les élèves ont une perception particulièrement positive de l’« enseignement en équipe » et de la possibilité de « processus d’apprentissage autodirigés ». On observe un potentiel de développement vers une meilleure adéquation entre ce que les élèves apprennent à l’école et dans les cours interentreprises.

Les résultats des professeurs se révèlent également très positifs. On remarque qu’à l’exception de quelques rares aspects (…), ils sont plus fortement d’accord avec les déclarations que les élèves.

Les résultats des professeurs se révèlent également très positifs. On remarque qu’à l’exception de quelques rares aspects (dans les thématiques « participation, au sens du soutien et de l’autonomie », « les processus d’apprentissage autodirigés » et « expérience professionnelle et orientation pratique dans les cours »), ils sont plus fortement d’accord avec les déclarations que les élèves. Cette différence est particulièrement marquée concernant les « dimensions des compétences opérationnelles » (cf. graphique n^o 2) et « matériel d’enseignement et utilisation des médias ».

Graphique 2 : différences dans les approbations entre les élèves et le corps enseignant.

À la fin de la première année d’apprentissage en formation d’employé·e de commerce, l’évaluation externe affiche aussi un bilan positif comparable. À l’échelle des items, tous les résultats des élèves sont nettement supérieurs à la moyenne théorique M = 2.5. Ici aussi, les élèves ont une perception particulièrement positive de l’« enseignement en équipe » et de la possibilité de « processus d’apprentissage autodirigés ». Les thématiques « expérience professionnelle et orientation pratique dans les cours » et « participation, au sens du soutien et de l’autonomie » rencontrent moins d’approbation : elles représentent donc un potentiel de développement.

Les professeurs livrent également des résultats très positifs. Ici aussi, leur approbation est plus élevée que celle des élèves, à l’exception de quelques rares aspects (thématiques « domaines de compétences opérationnelles », « expérience professionnelle et orientation pratique dans les cours »). Ces résultats rejoignent ceux du cursus en commerce de détail.

Enfin, l’évaluation externe permet une comparaison entre les élèves des deux cursus de formation. De manière générale, les résultats révèlent une appréciation très positive de toutes les thématiques pour les deux cursus. Les élèves en commerce de détail ont tendance à livrer une appréciation plus positive des différents items que les employé·e·s de commerce. Cette différence est particulièrement visible pour les thématiques « expérience professionnelle et orientation pratique dans les cours » (cf. graphique n^o 2) et « retours et coaching » (cf. graphique n^o 3).

Graphique 3 : différences dans les approbations entre les élèves.

Il est en principe également possible de comparer les résultats livrés par le corps enseignant entre les deux cursus de formation. Mais cette comparaison doit être considérée avec précaution, en raison du très petit échantillonnage (cursus en commerce de détail : n = 7 ; employé·e de commerce : n = 16). Les professeurs du cursus d’employé·e de commerce ont un avis plutôt critique quant à la concertation entre les trois lieux de formation : l’école, les cours interentreprises et l’entreprise formatrice (thématique « expérience professionnelle et orientation pratique dans les cours », cf. graphique n^o 4).

Graphique 4 : différences dans les approbations entre les professeurs.

Discussion et perspectives

L’équipe d’évaluation du ZSE et la direction scolaire du KBZ discutent et interprètent ensemble le contenu des rapports sur les résultats. À partir des résultats pertinents, le KBZ déduit des mesures concrètes de développement de la qualité dans le cadre d’un processus de post-traitement. Les résultats sélectionnés sont triés et assignés à des groupes de travail et des comités aux thématiques spécifiques, afin de garantir un développement continu systématique. Les champs d’action identifiés sont attribués de manière ciblée au service correspondant : les chefs d’équipe traitent les domaines de compétences opérationnelles spécifiques à un métier, tandis que les groupes chargés de la collaboration entre les lieux de formation font avancer l’optimisation de l’orientation pratique et de l’organisation du cours. Des cercles de qualité spécialisés se concentrent sur des thématiques d’ordre pédagogique centrales telles que l’apprentissage autodirigé, le travail sur le portfolio et l’évaluation de la performance ; tandis que le LearningLAB (PICTS) s’occupe de faire évoluer le matériel pédagogique et l’utilisation des médias.

L’approche basée sur le dialogue permet d’assurer que les résultats de l’évaluation ne soient pas simplement constatés, mais soient intégrés activement dans le développement continu du mode de mise en œuvre des réformes.

Il convient de signaler, en particulier, l’établissement d’un nouveau groupe « Développement de la qualité » à compter de l’année scolaire 2025/2026, qui sera en charge d’institutionnaliser le traitement continu des résultats de l’évaluation. Cette innovation d’ordre organisationnel marque bien le souhait, de la part du KBZ, d’ancrer durablement le principe du développement scolaire fondé sur des données établies. L’approche basée sur le dialogue permet d’assurer que les résultats de l’évaluation ne soient pas simplement constatés, mais soient intégrés activement dans le développement continu du mode de mise en œuvre des réformes. Grâce à une allocation bien définie des responsabilités et à l’attribution de délais de traitement, il est possible de garantir que les potentiels d’optimisation identifiés soient abordés de manière ciblée dans les plus brefs délais. Cette procédure illustre l’association systématique d’une évaluation externe à un développement interne de la qualité.

Au début de l’été 2025, la seconde phase de collecte des données pour l’évaluation longitudinale a eu lieu : la première cohorte a été questionnée en fin de formation, pour le commerce de détail ; suivie, une année plus tard, d’un sondage équivalent auprès de la cohorte des employé·e·s de commerce. Ces évaluations finales livreront des conclusions décisives quant à l’efficacité des mesures mises en place pour la réforme, et leurs effets à long terme sur les processus d’apprentissage et le développement des compétences au KBZ.

L’analyse des changements entre les deux collectes sera particulièrement pertinente en vue de comprendre comment les difficultés présentes au commencement (concernant, par exemple, la collaboration entre les lieux de formation ou le travail sur le portfolio) ont évolué pendant toute la formation. Ces comparaisons, à leur tour, seront systématiquement traitées par la structure de post-traitement précédemment établie, et serviront de fondement empirique pour le développement continu du mode de mise en œuvre des réformes au KBZ. C’est ainsi que se referme la boucle d’un développement de la qualité basé sur des données établies, associant durablement une évaluation externe et un développement scolaire interne.

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