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Évaluation du concept pédagogique n47e8

Un nouveau concept pédagogique dans l’espace d’apprentissage numérique

n47e8 est un concept pédagogique du Centre de formation Limmattal, qui associe judicieusement l’orientation vers les compétences opérationnelles, la personnalisation et l’expérience de l’auto-efficacité dans les espaces d’apprentissage numériques et physiques. Il est mis en œuvre à l’aide d’un système de gestion de l’apprentissage (Learning management System, LMS) dans lequel les personnes apprenantes traitent à leur propre rythme, sur la base de « missions », des situations d’apprentissage concrètes dans l’enseignement professionnel et général. Les missions sont constituées d’instruments et d’informations pour le développement des compétences, ainsi que de champs d’entraînement personnalisés d’orientation pratique et de possibilités d’approfondissement dans lesquels on peut appliquer les compétences à des situations concrètes et faire ainsi les premiers pas d’un transfert. Le projet a été évalué de 2019 à 2022 par le Service d’évaluation de la HEFP.


Le Centre de formation Limmattal investit avec n47e8[1] dans un concept d’enseignement orienté vers les compétences opérationnelles, efficace et tourné vers l’avenir. n47e8 a été conçu en 2017 et mis en œuvre pour la première fois en 2018 dans des classes pilotes avec des apprenties et apprentis en logistique CFC. Depuis 2022, à quelques exceptions près, toutes les classes de toutes les orientations (logistique, recyclage, transport routier) travaillent avec n47e8. Il a pour objectifs essentiels :

  • de promouvoir l’auto-responsabilité et l’auto-efficacité des personnes apprenantes,
  • de permettre un apprentissage situé, personnalisé et holistique au moyen d’auxiliaires numériques judicieux sur le plan pédagogique,
  • de promouvoir l’acquisition des compétences du 21e siècle.

Par exemple, dans la mission Budget, un thème de l’enseignement général, les personnes apprenantes se voient attribuer la tâche d’établir un budget pour un séjour linguistique après l’apprentissage. Elles doivent par ailleurs convaincre leurs parents que ce séjour est une bonne idée.

La numérisation a joué un rôle important lors de l’introduction de n47e8, mais devait dès le départ s’aligner sur des considérations pédagogiques. Du point de vue des personnes apprenantes et enseignantes, l’environnement d’apprentissage composé d’un système de gestion de l’apprentissage (LMS) et d’applications Microsoft Office est un module parmi d’autres. Il fonctionne en interaction avec les autres modules comme partie du concept pédagogique d’ensemble constitué de missions, d’ateliers, d’un concept adapté d’examen et d’évaluation, du coaching par l’enseignante ou l’enseignant et de l’espace d’apprentissage à 360 degrés.

Les missions sont des voies d’apprentissage numériques inscrites dans le système LMS, qui ont pour point de départ des situations de vie et de travail que les personnes apprenantes doivent gérer. Elles visent le développement de compétences opérationnelles. Par exemple, dans la mission Budget, un thème de l’enseignement général, les personnes apprenantes se voient attribuer la tâche d’établir un budget pour un séjour linguistique après l’apprentissage. Elles doivent par ailleurs convaincre leurs parents que ce séjour est une bonne idée. Les personnes apprenantes développent ainsi au cours de la mission, à partir de la situation concrète, des compétences pour l’élaboration d’un budget et pour l’argumentation.

Les ateliers sont préparés et réalisés par les personnes enseignantes. Les jeunes y apprennent par exemple comment créer une vidéo d’apprentissage significative sur un sujet donné de l’enseignement. Les ateliers permettent d’interconnecter, d’appliquer et d’approfondir les connaissances acquises dans les missions. Selon le contenu et les consignes données par la personne enseignante, les apprenantes et apprenants peuvent décider eux-mêmes s’ils participent ou non à l’atelier. La création d’un espace de discussion et d’échange dans les ateliers ou les missions permet aux jeunes de découvrir d’autres perspectives et d’apprendre les uns des autres.

Le nouveau concept d’enseignement exige des formes d’examen et d’évaluation adaptées en conséquence. Dans des « justificatifs de compétences », les apprenantes et apprenants montrent s’ils savent gérer les situations d’apprentissage. Les formes de ces justificatifs de compétences sont aussi variées que les situations d’apprentissage. Ainsi, les jeunes produisent des vidéos d’apprentissage ou des présentations, organisent, mènent et traitent des interviews. Ici encore, l’orientation vers les compétences opérationnelles est le principe directeur.

Le coaching par les personnes enseignantes permet, en complément aux ateliers, un soutien individuel pendant le traitement autonome des missions, l’élaboration des justificatifs de compétences ou la préparation aux examens. Dans le coaching, l’accent est mis sur des questions autour de l’apprentissage, de l’auto-organisation, du planning temporel, etc.

L’apprentissage n’a donc pas seulement lieu dans la classe, mais aussi, selon les préférences des apprenantes et apprenants, dans le couloir ou dans des salles d’apprentissage spécialement aménagées. L’objectif est, ici encore, la promotion de l’apprentissage personnalisé et du travail autonome à l’aide de l’environnement d’apprentissage numérique.

Les voies d’apprentissage numériques sont complétées par un espace d’apprentissage à 360 degrés. L’apprentissage n’a donc pas seulement lieu dans la classe, mais aussi, selon les préférences des apprenantes et apprenants, dans le couloir ou dans des salles d’apprentissage spécialement aménagées. L’objectif est, ici encore, la promotion de l’apprentissage personnalisé et du travail autonome à l’aide de l’environnement d’apprentissage numérique. Par exemple, les jeunes sont appelés dans les missions à résoudre une énigme, et à chercher comme solution un tableau dans l’école. Ils y rencontreront peut-être de nouvelles personnes avec lesquelles elles pourront maîtriser la tâche conjointement.

Effets de n47e8

n47e8 a été conçu en 2017 et mis en œuvre pour la première fois en 2018 dans des classes pilotes avec des apprenties et apprentis en logistique CFC. Depuis 2022, à quelques exceptions près, toutes les classes de toutes les orientations (logistique, recyclage, transport routier) travaillent avec n47e8. Les exceptions sont dues au « projet centres de compétences » du canton de Zurich, dans le cadre duquel des classes des orientations recyclage et transport routier sont passées en cours d’apprentissage d’autres écoles professionnelles au Centre de formation Limmattal, tandis que des classes de construction de machines ont quitté le Centre.

Quels points communs et quelles différences constate-t-on entre les apprenantes et apprenants des deux modèles de formation ?

L’accompagnement scientifique du projet par le Service d’évaluation de la Haute école fédérale en formation professionnelle HEFP a débuté en été 2019. À ce moment-là, 75 % des classes de logistique AFP (3 classes sur 4) et deux tiers des classes de logistique CFC (9 classes sur 14) ont démarré avec le nouveau concept, tandis que l’enseignement dans les autres classes suivait l’ancien concept. On a ainsi pu accompagner les apprenantes et apprenants des deux modèles de formation tout au long de leur apprentissage. Au début de l’apprentissage (début du 1er semestre), au début de la 2e année d’apprentissage, au début de la 3e année d’apprentissage (classes CFC seulement) et à la fin de l’apprentissage, les jeunes ont été interrogés au moyen d’un questionnaire en ligne, entre autres sur leurs traits de personnalité, leurs compétences et leur motivation d’apprentissage et de performance. Au printemps 2020, on a procédé – dans le cadre de la situation du Covid-19 – à une enquête supplémentaire en ligne sur la qualité de l’enseignement à distance. Outre le point de vue des jeunes en formation, on a également tenu compte de la perspective du personnel enseignant et des formatrices et formateurs professionnels.

On constate que les jeunes en formation s’estiment en général compétents dans les divers domaines. Pour certaines compétences (par exemple l’orientation objectifs, la compétence méthodologique), il apparaît toutefois que les jeunes ont à la fin de l’apprentissage une estimation quelque peu moins élevée qu’au début de l’apprentissage (qu’ils participent à une classe LMS ou non-LMS). Cette estimation plus modeste est peut-être due à une auto-évaluation devenue plus réaliste et plus critique au fil de l’apprentissage, notamment au vu des expériences faites dans ce cadre – les évaluations plus tardives pourraient donc avoir lieu sur la base d’autres critères de comparaison qu’au début de l’apprentissage. Cette interprétation est étayée par le fait qu’à la fin de l’apprentissage, tous les jeunes indiquent qu’ils ont gagné en compétences et en motivation (pour les jeunes en formation AFP, l’augmentation estimée personnellement est plus élevée dans les classes LMS que dans les autres). Au niveau des compétences, seule l’autonomie se démarque nettement : les jeunes en apprentissage AFP des classes LMS ont une évaluation plus élevée de leur gain de compétence en matière d’autonomie que les apprenties et apprentis AFP de la classe non-LMS. Et pour les jeunes en apprentissage CFC, on constate que l’auto-évaluation de leur autonomie augmente en dernière année d’apprentissage parmi les élèves des classes LMS, tandis qu’elle diminue au fil du temps parmi les jeunes des classes non-LMS.

Le jugement des jeunes sur la culture relationnelle (par ex. ambiance de la classe, burn-out, harcèlement) est en général positif, et il n’y a que peu de différences entre les classes LMS et non-LMS, qui sont toutefois à l’avantage des classes LMS : les jeunes en formations CFC des classes LMS émettent sur l’ambiance de la classe un jugement plus favorable que leurs homologues des classes non-LMS, et les jeunes en formation AFP de la classe non-LMS font état de sentiments croissants de burn-out, tandis que ceux-ci restent stables parmi leurs homologues des classes LMS.

Un bilan intéressant apparaît au niveau de l’évaluation de la performance personnelle : les jeunes des classes LMS indiquent davantage que leurs notes correspondent à leurs attentes que les jeunes des classes non-LMS, qui ont plutôt tendance à surestimer leurs performances. Ceci indique que le système LMS fournit aux jeunes un meilleur feed-back à propos de leurs performances, de sorte que leur estimation relative à leurs notes est plus réaliste.

Comment les apprenantes et apprenants perçoivent-ils le système LMS ?

Les jeunes en formation CFC des classes LMS (les jeunes en formation AFP n’ont pas évalué cet aspect) perçoivent un pilotage plus poussé de leur propre apprentissage et de l’environnement d’apprentissage (par ex. sélection des matériels, du rythme) que les élèves des classes non-LMS.

Les jeunes en formation CFC des classes LMS (les jeunes en formation AFP n’ont pas évalué cet aspect) perçoivent un pilotage plus poussé de leur propre apprentissage et de l’environnement d’apprentissage (par ex. sélection des matériels, du rythme) que les élèves des classes non-LMS. Ceci indique que l’aspect individuel du LMS est perçu et mis à profit. Cet aspect personnalisé explique éventuellement aussi la meilleure appréciation de l’école par les élèves des classes LMS en comparaison avec les autres élèves. Les aspects les plus appréciés du n47e8 sont l’apprentissage autonome, les missions, le LMS, les ateliers et les justificatifs de compétences. Peu de jeunes dans les classes LMS préféreraient apprendre dans le « système scolaire classique », et la plupart des désirs de modification portent sur des détails techniques. Il est intéressant de noter que les jeunes des classes LMS portent au début un jugement clairement positif ou négatif sur le concept, tandis que les appréciations à la fin de l’apprentissage sont plus différenciées. Ainsi, beaucoup jugent que le concept est bon, mais ne convient pas à tous les apprenants ou apprenantes, car il exige beaucoup de discipline et d’autonomie. D’autres trouvent le concept bon en soi, mais sa mise en œuvre avec le LMS actuel peu favorable.

Expériences du personnel enseignant et des formatrices et formateurs

Dans leur grande majorité, les enseignantes et enseignants sont satisfaits du concept n47e8 et le jugent utile pour les apprenantes et apprenants. C’est surtout au niveau de l’évolution du rôle de l’enseignant (compétences de coaching et organisation du processus d’apprentissage) qu’ils perçoivent un besoin de développement personnel, tandis que peu de besoins sont exprimés en ce qui concerne la numérisation et la réorientation pédagogique. La mise en œuvre de l’orientation vers les compétences opérationnelles est jugée favorablement par les enseignantes et enseignants, qui estiment toutefois qu’il y a encore des choses à faire au niveau de la conception des justificatifs de compétences. Concernant le LMS, ils perçoivent un besoin de développement au niveau de la convivialité, de la clarté ainsi que de la visibilité des processus d’apprentissage. Les enseignantes et enseignants déclarent que la charge de travail est similaire à celle de l’ancien système. La plus grande charge est ressentie par rapport à l’élaboration de nouvelles missions (ce qui va diminuer au fil du temps) et au contrôle et à l’évaluation des justificatifs de compétences et des examens semestriels.

Les formateurs et formatrices connaissent plutôt peu le concept n47e8. Le caractère innovant, l’autonomie et l’apprentissage personnalisé sont soulignés comme aspects positifs, mais les formateurs et formatrices aimeraient en savoir davantage (par ex. sur le LMS et les justificatifs de compétences). Certains expriment également la crainte que des jeunes moins performants pourraient « couler » parce que le travail autonome risque d’être trop exigeant pour eux. Les formatrices et formateurs en entreprise ne perçoivent pas de différences entre les jeunes des classes LMS et non-LMS, et la charge de temps également est jugée similaire.

Comment les jeunes ont-ils vécu le passage à l’enseignement à distance ?

Dans le cadre de la situation du Covid-19 au printemps 2020, une enquête supplémentaire en ligne a été effectuée auprès de tous les apprenants et apprenantes afin d’étudier comment ils avaient vécu le passage à l’enseignement en ligne. Si l’on n’a pu constater que peu de différences entre les classes LMS et non-LMS parmi les jeunes en formation AFP, ces différences étaient nombreuses parmi les jeunes en formation CFC : les élèves des classes LMS ont géré le changement nettement plus facilement, et ont également émis une appréciation plus favorable sur leurs enseignantes et enseignants que les autres élèves. Ceci pourrait être dû au fait que ces jeunes étaient déjà plus habitués au travail autonome, et que l’enseignement à distance a constitué pour eux tout comme pour leurs enseignantes et enseignants un changement moins massif que pour les élèves et le personnel enseignant des classes non-LMS. Par ailleurs, les jeunes des classes LMS ont fait état d’une meilleure gestion des outils numériques par eux-mêmes et leurs enseignantes et enseignants que les jeunes des classes non-LMS, ce qui est certainement lié au fait qu’avec le LMS, l’emploi d’outils numériques était déjà plus rodé que dans les autres classes. Enfin, les jeunes des classes LMS étaient plus motivés dans l’enseignement en ligne que dans l’enseignement en présentiel, et ont par conséquent indiqué avoir moins de mal à atteindre les objectifs d’apprentissage que les autres jeunes des classes non-LMS.

Quelle suite va-t-on donner au modèle ?

n47e8 est jugé utile par la majorité du personnel enseignant et des élèves du Centre de formation Limmattal. On entend donc perpétuer le concept, le développer et l’améliorer au niveau du contenu comme sur le plan technique.

n47e8 est jugé utile par la majorité du personnel enseignant et des élèves du Centre de formation Limmattal. On entend donc perpétuer le concept, le développer et l’améliorer au niveau du contenu comme sur le plan technique. Au niveau du contenu, on a optimisé et continuera à optimiser en plusieurs étapes de développement la structure et le contenu des missions. Sur le plan technique, on étudie de nouvelles possibilités de mise en œuvre pour répondre aux besoins des élèves et du personnel enseignant en termes de convivialité, de clarté et de visibilité du processus d’apprentissage.

L’introduction et le développement continu du concept n47e8 exigent beaucoup de ressources, notamment de la part des enseignantes et enseignants qui élaborent les missions, les développent et les utilisent dans l’enseignement. Ils ont investi des milliers d’heures de travail dans ce projet. Pour des projets de développement de grande envergure, le Centre de formation Limmattal bénéficie d’un soutien financier du Digital Learning Hub du canton de Zurich, ce qui apporte aux enseignantes et enseignants une compensation financière supplémentaire pour leur travail dans le projet. Les petites mises à jour et améliorations régulières des missions relèvent du ou de la responsable des missions en question. Ceci fait partie de la préparation de l’enseignement, et donc des tâches d’un enseignant ou d’une enseignante.

Comme exemple actuel d’un projet de développement d’envergure, on peut citer la révision des points de parcours des missions pour le domaine d’apprentissage « langue et communication » dans l’enseignement de culture générale. Du point de vue du Centre de formation Limmattal, ces investissements en faveur d’un enseignement orienté vers les compétences opérationnelles, efficace et tourné vers l’avenir en valent certainement la peine.

[1] n47e8 sont les coordonnées de la ville de Dietikon, où se trouve le Centre de formation Limmattal.
Citation

Hug, C., Hess, S., Balzer, L., & Eicher, V. (2023). Un nouveau concept pédagogique dans l’espace d’apprentissage numérique. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 8(4).

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